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Un jumelage inoubliable.

 

Comédie théâtrale de Yvon Taburet.

Décor : une terasse de café sur une place de village.

Durée : 90 minutes

Résumé : Bizouilli-les-oies est en pleine effervescence. A l 'initiative de Vincent Bouchardeau, propriétaire de la fabrique de nains de jardin et de la maire du village, Jacqueline Michel, maitresse possessive de Vincent, un jumelage se prépare avec Monicelli , village corse que Vincent a découvert lors de vacances. Pour accueillir la délégation corse, afin  d'enjoliver Bizouilli, Vincent aidé par Pierrot, employé municipal plutôt cossard, a installé des nains de jardin (le public) en face du café. Sur la terrasse, les commentaires vont bon train, Maurice,  agriculteur natif du village ne se gêne pas pour critiquer les choix de Jacqueline et Vincent, sous l'œil de Mélanie, la patronne, et de Ninon, l'employée naïve. Lorsque la délégation corse débarque, on constate très vite que, chez elle aussi, les tensions existent. Mattéo Colombani, vieux corse traditionaliste ne cesse de se quereller avec Giovana Giovani, maire progressiste de Monicelli et veille jalousement sur Catalina Colombani, son aguichante sœur ; alors, lorsque les sentiments se dévoileront, la situation deviendra très vite volcanique. Des situations burlesques, un rythme effréné et des rôles pittoresques sont les ingrédients de cette comédie qui fera exploser de rire votre public.

Distribution (5f 4h) :

 

 

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Extraits

 

 ..........

ACTE UN.
Maurice est installé en terrasse. Il regarde attentivement en direction des spectateurs.
Maurice- Ah ben ça ! C’est pas mal ! Incroyable ! Je ne les avais pas vus en arrivant mais alors là ! Je
suis scié... (Il commence à compter.) Un, deux, trois, quatre... Il y en a beaucoup... Tu parles d’un
tableau !
Arrivée de Mélanie, un torchon à la main.
Mélanie- Bonjour Maurice ! Tout va comme tu veux ?
Maurice- Bonjour Mélanie ! Dis-moi, tu vois ce que je vois ?
Mélanie- Bien sûr ! Pourquoi ? Tu n’étais pas au courant ?
Maurice- Ça fait longtemps qu’ils sont là ? Qui les a fait venir ?
Mélanie- C’est Bouchardeau qui les a livrés. Pour les installer, il s’est fait aider par Pierrot, l’employé
communal. Ça te plait ?
Maurice- Il faut reconnaitre que l’idée est originale. Venir les poser sur ce rond-point, juste en face du
café...Ils ne pouvaient pas trouver meilleur emplacement. Tu as vu ? Il y en a qui ont des tronches... Moi,
j’aime bien celui-ci... Oh ! Et celui-là... Quand j’étais petit, on avait presque le même... Mais le nôtre
était plus beau.
Mélanie- scrutant à son tour les spectateurs J’en vois qui ne mériteraient même pas d’être exposés
tellement ils ont l’air abimé... Effectivement... Ils n’ont pas mis les plus belles pièces. Ouais.... Ils ont
dû avoir peur qu’on ne les vole.
Maurice- N’importe quoi ! Qui aurait l’idée de venir voler des nains de jardin. Je vous le demande !

Mélanie- Détrompe-toi Maurice. De nos jours, tu sais, les gens peuvent voler n’importe quoi, même des
nains de jardin.
Maurice- Tu as peut être raison... En y regardant de plus près, il n’y a pas que des usagés, il y a tout de
même de jolies petites naines... Ah oui... De jolies petites naines que j’emporterais bien dans mon jardin.
Mélanie- Ah non ! Si on commence à retirer les plus belles pièces. On aura l’air de quoi ? De pauvres
péquenauds, comme d’habitude ? Alors, on ne touche à rien. C’est bien compris, Maurice... Pas de
blagues. Il en va de la réputation de notre village. C’est bien compris ?
Maurice- Ne te fâche pas Mélanie ! Je plaisantais. « jeu de nain, jeu de vilain » pas vrai ? Mon père me le
disait déjà : « Si tu veux réussir dans la vie, retrousse tes manches et sors les nains de tes poches », alors,
tu penses bien que je ne vais pas commencer à en piquer ... Maintenant, explique-moi pourquoi il en va
de la réputation de notre village et surtout (désignant les spectateurs) qu’est-ce que ça fait là ?
Mélanie- C’est à cause du jumelage.
Maurice- Ah ! C’est donc ça ! J’avais oublié.
Mélanie- C’est aujourd’hui que Bizouilli-les-oies, notre beau village reçoit la délégation corse.
Maurice- Des corses ! Quelle drôle d’idée ! Ce n’est pourtant pas la porte à côté.
Mélanie- Justement, c’est bien cela qui a convaincu notre maire. Ce parfum d’exotisme, cette envie de
connaitre une culture différente.
Maurice- Ne me dis pas que c’est Jacqueline qui en a eu l’idée. Tout le monde sait bien que Madame la
maire ne quitte jamais le village. « C’est pour mieux m’occuper de mes administrés » qu’elle nous dit. Tu
parles ! C’est surtout qu’elle veut tout régenter et qu’elle n’a jamais su déléguer.
Mélanie- Le seul à qui elle prête une oreille attentive, c’est Bouchardeau.
Maurice- Ouais... Y a même des rumeurs qui disent qu’il n’y a pas que l’oreille qu’elle lui prête. Il parait
qu’elle aurait tendance à lui confier d’autres parties de son anatomie.
Mélanie- Elle en a bien le droit, après tout, elle est veuve et peut bien faire ce que bon lui semble..
Maurice- Ce n’est pas une raison pour prendre des décisions municipales sur l’oreiller. Tu en avais
entendu parler toi de ce jumelage ? Tout s’est fait en catimini, le conseil municipal n’a même pas été
consulté.
Mélanie- C’est une idée de Bouchardeau. Il est revenu ébloui de son voyage en Corse, c’est lui qui a
suggéré l’idée d’un rapprochement entre Bizouilli-les-oies et Monicelli, le village où il résidait qui a à peu
près le même nombre d’habitants que le nôtre. Je me suis laissée dire que Bouchardeau avait sympathisé
avec des corses. Il est impatient de faire connaitre Bizouilli à ses nouveaux amis.
Maurice- Et c’est pour cela qu’il a sorti toute sa collection de nains de jardin, c’est pour leur en mettre
plein la vue.
Mélanie- N’oublie pas que Bouchardeau avec sa fabrique de nains de jardin est le premier employeur de
la commune, alors s’il peut en vendre quelques-uns aux corses, on ne va pas s’en plaindre.
Maurice- C’est sûr qu’il ne perd pas le nord, le Bouchardeau. Il vendrait sa grand-mère et son chien, cette
espèce de nanophile.
Mélanie- De quoi ?
Maurice- De nanophile. Ne me regarde pas comme ça, je t’explique... Un nanophile, c’est quelqu’un qui
aime les personnes de petites tailles (désignant le public) Tiens... Un peu comme ceux qui sont là. Le
Bouchardeau, il est toujours fourré avec ses nains, donc c’est un nanophile.
Mélanie- Maurice, ne commence pas à dire n’importe quoi.

Maurice- Tiens ! Toi aussi, te voilà contaminée... Tu as dit : nain porte quoi. Ne me prends pas pour un
nain bécile, un nain cohérent ou un nain capable... Je te le dis posément, je ne suis pas un nain pulsif mais
à force de voir des nains partout, ça commence à me courir sur le haricot, par moment j’y foutrais bien le
feu, eh oui... Parfois je rêve d’être un nain cendiaire, je le ferais si je ne craignais pas d’être un nain
culpé.
Mélanie- Arrête Maurice ! Tu me fais peur !
Maurice- Je rigole Mélanie ! Tu ne vois pas que je plaisante.
Mélanie- Ce n’est pas drôle ! Parfois, je ne te comprends pas.
Maurice- Je sais, je suis un nain compris.
Mélanie- Ça suffit ! Tu m’agaces ! Tu n’es qu’un gros jaloux. Même si tu ne l’apprécies pas, tu pourrais
au moins reconnaitre qu’il a du savoir-faire le Vincent Bouchardeau.
Maurice- Ah oui ! Un certain savoir-faire dans la vanité et la bêtise. Sais-tu que l’imbécilité, ça se
cultive ? Il faut juste avoir quelques prédispositions. Tu peux me croire, le Bouchardeau, il a sacrément la
main verte.
(Venant du bar, un plateau à la main, entrée de Ninon)
Ninon- Et voilà, Maurice. Un saucisson. Je l’ai découpé en tranches. J’espère que j’ai bien fait.
Maurice- Effectivement, c’est plus pratique si on veut en manger. Mais... Tu sais, Ninon... Je t’ai
demandé un Sauvignon, pas un saucisson.
Ninon-Tu veux dire que je « m’ai trompé » ?
Mélanie- (la corrigeant) Je me suis trompée.
Ninon- Ah bon ? Toi aussi ? Décidément, c’est la journée !
Mélanie- Mais non ! Je ne me suis pas trompée, ce que je veux te dire, c’est qu’on ne dit pas : « Je m’ai
trompé », mais : « Je me suis trompée » (insistant devant l’air ahuri de Ninon) Je-me-suis-trompée... Tu
comprends ?
Ninon- Bien sûr que je comprends... Ne t’en fais pas Mélanie. Ça arrive à tout le monde. Moi aussi,
je « m’ai trompée »... mais ce n’est pas grave. Pour un bout de saucisson, on ne va pas en faire un
fromage, pas vrai ?
Mélanie- (à Maurice) C’est toi qui parlais de main verte ? J’ai comme l’impression que la jardinière n’est
pas loin.
Ninon- (regardant à droite et à gauche) Où ça ? Il n’y a personne.
Mélanie- Laisse tomber ! Vas plutôt chercher un verre de sauvignon.
Ninon- Et le saucisson ? Qu’est-ce que j’en fais
Maurice- Ça ira très bien avec le pinard.
Mélanie- (à Ninon) Tu ne le mets pas sur la note, c’est offert par la maison. Mais fais attention, tu vas
finir par ruiner le petit commerce. Allez ! Tu fais attendre le client.
Ninon- D’accord Mélanie ! Je cours !
Mélanie- Surtout pas malheureuse ! Maladroite comme tu l’es, tu pourrais bien te casser une patte.
Ninon- Tu me dis de filer et puis tu me dis de ne pas courir... Finalement, qu’est-ce que je dois faire ? Je
ne sais plus, moi.

Mélanie- Hâte-toi doucement ! Ce n’est pas compliqué à comprendre. (Ninon sort). Cette fille va finir par
me rendre folle. Elle est gentille mais elle ne comprend jamais rien.
Maurice- Tu exagères ! Ninon, elle est charmante... En tout cas, moi, je l’aime bien.
Mélanie- Tu parles ! A la façon dont tu la regardes, je vois bien que ce n’est pas sa matière grise qui
t’intéresse en premier. Ah ! Les hommes ! Tous les mêmes !
Maurice- Moi ? Je ne regarde rien du tout.
Mélanie- Va faire croire ça à d’autres mais pas à moi. Ne mens pas, Pinocchio, tu as ton nez qui
s’allonge.
Maurice- N’importe quoi !
Mélanie- Je t’ai dit d’arrêter avec tes nains !
(Arrivée, côté jardin de Pierrot .Il a un grand sac et un bâton pointu. La tête baissée, il scrute le sol et
pique de temps à autre un papier ou un paquet de cigarettes vide qu’il met ensuite dans son sac.)
Maurice- (à Pierrot) Alors Pierrot, la pêche est bonne ?
Pierrot- Ah ! C’est toi Maurice. Et oui, je ramasse les déchets maintenant. A la mairie, ils me prennent
pour un éboueur. On aura tout vu... Déjà que ce matin, il a fallu que j’aide à mettre les nains de jardin en
place et ensuite j’ai dû accrocher des banderoles et des petits drapeaux, un peu partout...Il faut que tout
soit nickel avant l’arrivée de nos invités qu’elle a dit Madame la maire... Purée ! Je n’en peux plus ! Ils
vont finir par me faire crever avec leur jumelage. Jumelage, jumelage, on n’entend que ça : jumelage !
J’ten foutrai de leur jumelage, moi !
Mélanie- A force de trimer, tu risques de travailler au moins trente heures dans ta semaine. Mon pauvre
Pierrot ! Je comprends que tu sois fatigué ! C’est vrai que tu n’es pas habitué à travailler autant !
Maurice- (désignant Pierrot) Tu vois, Mélanie, en voilà un qui ne sera pas dépaysé lorsqu’il verra les
corses arriver. (À Pierrot) Vous pourrez parler boulot et comparer vos heures de travail. C’est sûr qu’entre
corses et fonctionnaire, vous allez vous entendre.
Pierrot- Tout de suite les clichés ! Comme c’est original ! Et lui, il va encore nous sortir son couplet : je
ne suis qu’un pauvre paysan, je bosse plus que tout le monde pour un salaire de misère...
Maurice- C’est vrai !
Pierrot- Arrête ! Je pleure ! Tiens, paie-moi plutôt un coup, plutôt que de dire des âneries.
(Entrée de Ninon)
Ninon- Et voilà... Un sauvignon.
Maurice- Merci ma belle.
Pierrot- Un sauvignon ? C’est une bonne idée. Je vais le goûter.
Mélanie- Le goûter ? Tu es gonflé ! Je te rappelle que tu en as déjà goûté deux, ici, ce matin.
Pierrot- Je ne me rappelle plus du tout quel goût il avait... Fais voir... (Il prend le verre de Maurice et en
bois une gorgée.)
Maurice- Dis donc ! T’es pas gêné !
Pierrot- Ca y est ! Je retrouve le goût... Il est bon... Un mélange de genêt et de cassis... avec un léger
goût de pamplemousse.
Mélanie- Si tu continues à en boire et que tu souffles dans le ballon, tu verras qu’il aura aussi un goût de

prune.
Pierrot- Mais non ! C’est juste pour goûter que je te dis. (Il rend le verre à Maurice.) Alors, Maurice ?
Tu le paies ton coup ? Tiens, voilà ton verre.
Maurice- Je n’en veux pas de tes microbes. Tu peux le garder. Ninon, un deuxième sauvignon, s’il te
plait !
Ninon- Tout de suite, Maurice.
(Elle repart vers le bar en roulant des hanches, suivie des yeux par Maurice et Pierrot.)
Mélanie- Ca va les gars ? Vous n’êtes pas gênés ?
Maurice- - Ben non, pourquoi ?
Pierrot- On se repose les yeux, on a bien le droit. Pas vrai, Maurice ?
(Venant de Jardin, arrivée de Jacqueline, la maire.)
Jacqueline- (apercevant Pierrot) Ah ! Vous êtes là ! J’aurais dû m’en douter.
Pierrot- Bonjour Madame la maire, comme vous le voyez, J’ai été invité, je ne pouvais pas refuser.
Jacqueline- On ne vous a jamais dit qu’il était interdit de boire pendant les heures de service. . Ça
s’appelle une faute professionnelle... Savez-vous que je pourrais vous mettre à pied pour cela ?
Pierrot- (hilare) Madame la maire, si vous me mettez à pied, qu’est-ce que je vais faire de ma mobylette
?
Jacqueline- En plus il se fiche de moi ! Je ne sais pas ce qui me retient de... ( se parlant à elle-même) On
se calme on se calme... (Elle joint ses deux pouces et ses deux index à hauteur de son cou tout en
inspirant puis elle bloque sa respiration et expire longuement. Puis elle reprend la parole sur un ton
beaucoup plus mielleux.) Attention mon petit monsieur, vous parlez à la première citoyenne de la
commune et savez-vous qu’en tant que chef de l’exécutif communal, j’ai un pouvoir disciplinaire sur tout
agent de la mairie ? Alors si j’étais à votre place, je ne ferais peut-être pas trop le malin..
Maurice- C’est bon, Jacqueline ! Arrête un peu de le houspiller ! Il n’a tué personne. C’est moi qui lui ai
dit de s’asseoir.
Mélanie- C’est vrai, je suis témoin. Ce pauvre garçon travaillait tellement dur que nous avons été obligés
de le forcer à s’arrêter..
Jacqueline- Bien sûr ! Tout le monde connait l’acharnement de ce monsieur au travail.
Maurice- Il était à la limite de l’épuisement mais comme il avait à cœur de remplir sa mission d’employé
municipal dévoué, il a fallu vraiment insister pour qu’il arrête de travailler. N’est-ce pas, Mélanie ?
Mélanie- C’est exactement comme tu le dis.
Pierrot- C’est pour cela que j’ai accepté de prendre un peu de glucose, sinon c’était la syncope assurée.
Tiens, rien que d’en parler, je ressens encore une petite faiblesse, je vais en reprendre un peu. (Il reboit un
peu de sauvignon.)
Jacqueline- (mielleuse) Je vois bien qu’il a l’air épuisé, et naturellement, vous pensez que je vais avaler
cela. ?
Pierrot- Vous préférez avaler un petit verre de sauvignon ? Si vous voulez, c’est ma tournée.
Jacqueline-(hurlant) Vous, je ne veux plus vous entendre ! C’est compris ? (se reprenant) On se calme,
on se calme. (Elle recommence son rituel, pouces et index joints et respiration puis d’une voix calme en
souriant) Me suis-je bien fait comprendre ?

Pierrot- Bon... Ben... Je vais peut-être retourner au turbin... Sachez que je ne me déroberai pas à ma
tâche d’employé communal. Comme on dit par chez moi : Fonctionnaire un jour, fonctionnaire toujours !
Alors si je dois marner comme une pauvre bête de somme...
Maurice- Remarque, bête de somme, ça te va bien, toi qui adores faire la sieste.
Pierrot- Qu’est-ce que je disais avant de me faire interrompre par des remarques imbéciles... Ah oui !
Même si je dois marner comme une pauvre bête de somme, en aucun cas, je ne faillirai à ma mission et
j’assumerai pleinement les responsabilités qui m’ont été confiées.
Maurice- Alors là, Bravo ! On voit qu’il travaille à la Mairie. Tu as vu, Jacqueline ? Il parle comme toi
maintenant.
Jacqueline- Mon pauvre Maurice, tu trouves cela drôle ?
Pierrot- Où sont mes outils ? Ah ! Les voilà !
(Il reprend son sac et son bâton. Il recommence à scruter le sol à la recherche du moindre papier gras.
Arrivée de Vincent Bouchardeau. Il porte un nain de jardin qu’il dépose dans un coin. Il voit Pierrot et
l’interpelle. )
Vincent- Oh Pierrot ! (désignant les spectateurs) Qu’est-ce que c’est que ce travail ?
Pierrot- Qu’est-ce qu’il y a encore ?
Vincent- C’est toi qui a placé mes nains de jardin comme ça ? Tu trouves que c’est joli ? Tu ne vois pas
qu’ils sont trop serrés... Regardez-moi ça ! Franchement ! Tu trouves qu’ils sont bien là ?
Pierrot- Eh ! Oh ! Je vous rappelle que c’est vous qui les avez bennés ici !
Vincent- Quand je t’ai dit de les « dispatcher », ça ne voulait pas dire qu’il fallait les laisser tous
agglutinés sur ce rond-point. Tu aurais pu en mettre près de la mairie ou ici, près du café.
Pierrot- Ah non, vous ne l’avez pas dit.
Vincent- Dispatcher, cela veut dire répartir, c’était pourtant simple à comprendre.
Pierrot- Non, Monsieur Bouchardeau, vous ne l’avez pas bien dit, si vous vouliez quelque chose, il fallait
le dire.
Vincent- Mais je te l’ai dit !
Pierrot- Vous l’avez peut-être dit mais vous l’avez mal dit... Sans vouloir vous vexer... C’est de votre
faute et puis c’est tout !
Vincent- De ma faute ! Et puis quoi encore ! C’est trop fort ! Je veux bien être responsable de ce que je
dis mais je ne suis pas responsable de ce que tu comprends de travers ! (désignant les spectateurs) Quel
gâchis ! De si beaux nains ! Ils ne sont même pas éclairés ! On les voit à peine. Quand je pense que j’ai
passé deux heures à les charger dans le camion.
Maurice- Remarque... Si tu veux en déplacer quelques-uns. Je suis sûr que Madame la maire acceptera
bien de te prêter une brouette municipale. Après tout ! On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.
Vincent- Toi l’agriculteur, mêle toi de ce qui te regarde !
Maurice- Je fais ce que je veux et ce n’est pas un Bouchardeau qui va commencer à me donner des
ordres. Ce n’est pas parce que tu as une fabrique de nains qu’il faut te prendre pour un géant.
Vincent- Cesse de m’importuner et retourne au cul de tes vaches.
Maurice- Bouchardeau ! Tu vois ta tronche, c’est comme cette porte, on peut la fermer mais on peut aussi
la claquer.

Vincent- Essaie un peu pour voir !
Maurice- Facile ! Tiens ! Attrape !
(Il donne une claque à Vincent qui la lui rend aussitôt. Ils se battent)
Jacqueline- Vincent ! Voyons ! Arrête ! Je t’en prie !
Ninon- Maurice ! Non !
(Mélanie commence à distribuer des grands coups de torchon aux deux hommes)
Mélanie- (tout en continuant à taper.) Ça suffit ! Ca suffit que je vous dis !
Vincent- Aie ! Aie !
Maurice- Ouille ! Ouille !
(Mélanie les sépare.)
Mélanie- Le premier qui s’avise de recommencer aura à faire à moi.
Maurice- Ne t’inquiète pas Mélanie, je m’en vais... Il y a des odeurs que je ne supporte plus et puis je
commence à avoir des fourmis dans les pieds, faut que je me bouge sinon je ne réponds plus de rien.
Ninon- Tu veux que j’aille te chercher de l’insecticide pour tes fourmis, Maurice ?
Maurice- Non, ça va aller, Ninon, tu es gentille ... Quoi qu’à la réflexion... Ton insecticide, il pourrait
peut-être nous servir à éliminer quelques nuisibles.
Vincent- Rappelle-toi que si tu me cherches, tu pourras toujours me trouver.
Maurice- Je ne te ferai pas ce plaisir mais souviens-toi que si tu n’as besoin de rien, tu peux compter sur
moi.
Pierrot- « Si vous avez besoin de rien, vous pourrez compter sur moi. » Voilà qui ferait une belle devise
pour tous les employés municipaux.
Jacqueline- En attendant, au lieu de deviser, vous allez me faire le plaisir de finir votre travail avant
l’arrivée de nos visiteurs. Je veux un village impeccable, vous m’entendez, im-pé-ccable. Si je vois, le
moindre mégot trainer, vous serez tenu pour responsable. C’est clair ? (devant l’absence de réponse, elle
répète en élevant la voix.) C’est clair ?
(Pierrot porte son bâton à l’épaule, et fait le salut militaire, comme s’il faisait un « présentez armes »)
Pierrot- (hurlant) Oui, Madame la maire !
Jacqueline- (hurlant à son tour) C’est bien compris ?
Pierrot- Affirmatif, Madame la maire !
Jacqueline- C’est bon ! Repos !
Pierrot- Repos ? Ah ! Ce mot-là, je l’aime bien. (Il baisse son bâton.)
Jacqueline- Ne recommencez pas ! Au travail !
Pierrot- Au travail ou au repos, faudrait savoir !
Ninon -(intervenant) Je ne voudrais pas « m’emmêler » de ce qui me regarde pas, Madame la maire, mais
je trouve que le Pierrot, il a raison, repos et au travail, ce n’est pas pareil.
Jacqueline- Vous, on ne vous a pas sonné. Retournez essuyer vos verres et fichez nous la paix ! (À
Vincent) Je vais finir par croire qu’ils sont tous abrutis dans ce village.

Mélanie- Bien sûr ! C’est même à cause de cela que vous avez été élue, parce que nous sommes tous
abrutis.
Jacqueline- Non mais ! Je ne vous permets pas !
Mélanie- Moi non plus je ne vous permets pas de donner des ordres à mon personnel, dans mon café. Si
vous avez besoin de vous faire les nerfs, allez engueuler les nains de jardin, mais laissez les gens
tranquilles.
Maurice- Que veux-tu Mélanie... A force de fréquenter des grandes gueules, forcément, on finit par
prendre modèle.
Vincent- C’est pour moi que tu dis ça ?
Maurice- A toi de voir.
Vincent- Pauvre plouc !
Maurice- Pauvre nain !
(Pendant les échanges de Maurice et Vincent, Jacqueline a repris son rituel de relaxation.)
Jacqueline- S’il vous plait, s’il vous plait...Un peu de tenue, que diable ! Vous vous rendez compte, nos
invités vont arriver d’un instant à l’autre et nous sommes en train de nous chamailler comme des
chiffonniers. Je veux bien admettre que nous nous sommes tous un peu échauffés, mais de grâce dans
l’intérêt de la commune, ressaisissons-nous, d’accord ?
Vincent- Jacqueline a raison. Oublions nos querelles et apprêtons nous à recevoir nos invités comme ils
le méritent.
Maurice- Vos invités. Nous, on n’a rien demandé. Comme d’habitude, vous avez fait ça derrière notre
dos. Ah ! Elle est belle la démocratie communale !
Jacqueline- Allons Maurice, pas de polémique. Rien n’est officiellement décidé... Il s’agit d’une simple
délégation qui vient prendre contact. Si le jumelage se concrétise, sois assuré que la population sera
informée, je te le garantis. Tu peux me croire.
Maurice- On la connait ta franchise... Aussi sincère qu’une promesse électorale !
Jacqueline- Maurice ! Tu n’es qu’un mufle !
Maurice- Et toi, tu n’es qu’une vieille...
Vincent- Stop ! On se calme ! S’il vous plait ! Un peu de dignité ! Afin que tout le monde puisse
reprendre ses esprits, j’offre une tournée générale.
Maurice- Tu n’as pas changé ! Déjà, à la communale, tu cherchais à acheter les copains avec un sac de
billes. Si tu crois pouvoir m’acheter avec un verre de vin !
Vincent- Il ne s’agit pas de cela.
Mélanie- Ecoutez ! C’est moi qui offre la tournée et je vous préviens, le premier qui refuse de trinquer
n’est pas prêt de remettre les pieds dans mon café. C’est bien compris ? Ninon, apporte une bouteille et
des verres.
(Ninon entre dans le café. Elle ressortira très rapidement avec des verres et une bouteille. Pierrot qui
s’était écarté, revient vers la table en souriant)
Pierrot- Une tournée générale ? Ça, c’est une bonne idée !
Jacqueline- Vous croyez peut-être que vous êtes concerné ?

Pierrot- Ben oui, moi aussi, je veux bien trinquer à la réconciliation.
Jacqueline- Vous, vous ne manquez pas d’air !
Pierrot- Non, pourquoi ?
Jacqueline- Vous n’avez pas compris lorsque je vous ai dit : Au travail ?
Maurice- Si Pierrot ne trinque pas avec nous, je ne bois pas.
Jacqueline- (à Pierrot) Bon, venez !
Pierrot- Merci Madame la maire !
Mélanie- (Tout en servant tout le monde) Pierrot, regarde qui te sert. C’est moi que tu devrais remercier.
Pierrot- Merci Mélanie.

Jacqueline- Chères concitoyennes et chers concitoyens, chers amis... Buvons à la santé de Bizouilli-les-
oies et à ses bizouillais.

Tous- Santé !
(Tandis qu’ils trinquent, arrivée par la salle, sur une bande son de polyphonie corse, de Mattéo, bâton de
berger à la main, suivi de Giovana et Catalina. La musique s’arrête lorsqu’ils arrivent vers les premiers
rangs.)
Giovana- Regardez ! Le « pinzutu » n’avait pas menti. Ici, ils ont plein de nains de jardin.
Catalina- Comme ils sont beaux ! Aussi ravissants que les fleurs au printemps, dans notre maquis.
Giovana- Tu as vu, Catalina. Il y en a pour tous les goûts, des petits, des grands, des gros.
Catalina- Tu sais Giovana, moi, je les trouve tous mignons. J’aurais envie de les ramener dans ma
maison.
Giovana- Catalina, Il te faudrait un Corsica ferry pour toi toute seule pour les transporter.
Catalina- C’est vrai, Giovana et c’est bien dommage !
Mattéo- Aio ! Dépêchez-vous les femmes et cessez donc de jacasser comme des vieilles pies.
Giovana- Dis-donc ! Mattéo macho ! Tu te crois où ? Dans ta forêt de châtaigniers ? Oh basta ! Tu ne
nous parles pas comme ça !
Mattéo- Je parle comme je veux.
Giovana- Mattéo Colombani, traite nous encore une seule fois de vieilles pies et je te griffe le visage.
Mattéo- Essaie seulement une fois, Giovana Giovani et tes fesses apprendront à connaitre mon bâton.
Giovana- Catalina, ma chérie, tu entends comme ton frère parle à la première citoyenne de la commune,
moi, la maire de Monicelli ! Quel irrespect ! C’est honteux ! Sais-tu, Mattéo Colombani qu’on en a
plastiqué pour moins que ça ?
Mattéo- Tais-toi donc, vieille pie !
Giovana-(Hurlant) Ne redis jamais ça !
Mattéo- On ne crie pas sur Mattéo Colombani !
Giovana-On respecte Giovana Giovani !
(Ils se tiennent front contre front.)

(Pendant les dernières répliques, tous les Bizouillais se sont levés et se sont penchés en avant-scène pour
les observer.)
Catalina- Oh Basta ! Arrêtez ! On nous regarde !
(Tout en montant sur scène, Giovana et Mattéo redeviennent souriants)
Vincent- Ah ! Mes amis ! Venez ! Quel plaisir de vous voir !
Giovana- Vincent ! Bonjour ! Nous voilà enfin arrivés.
Vincent- Madame la maire, c’est vraiment un honneur de vous accueillir à Bizouilli-les-oies, vous avez
fait un bon voyage ?
Giovana- Excellent ! Mais Vincent pas de cérémonial entre nous, fais comme à Monicelli, appelle moi
Giovana, d’accord ?
Mattéo- Vincent ! Bonghjornu !
Vincent- Bonjour Mattéo ! Ah, mon ami ! Si tu savais comme je suis heureux de te revoir
Mattéo- Cumu và ?
Vincent- Comment ça va ? Très bien. .. (Apercevant Catalina) Bonjour ! Mattéo, tu ne me présentes pas
cette charmante personne ?
Mattéo- Catalina Colombani, ma sœur. Elle a voulu à tout prix nous accompagner.
Catalina- Je suis ravie de vous rencontrer ! Pour une fois que j’ai l’occasion de venir sur le continent
pour connaitre de nouveaux amis, Je suis très contente... Vous savez Vincent, j’adore découvrir.
Vincent-(charmeur) Vous pourrez compter sur moi, Catalina, j’adore faire découvrir...
Catalina- C’est donc vous l’heureux propriétaire de ces charmants nains. Ils sont magnifiques !
Jacqueline- (donnant un coup de coude à Vincent) Et bien Vincent ? Tu ne nous présentes pas à nos
amis ?
Vincent- Si, si... Bien sûr ! Jacqueline Michel, la maire du village.
Giovana- (lui serrant la main) Bonjour ! Savez-vous que même en Corse, on a entendu parler de vous.
C’est bien vous la maire Michel ?
Jacqueline- (pincée) Oui et je n’ai pas perdu mon chat, vous savez, celle-là, on me la sort depuis mon
premier mandat. (Elle reprend rapidement son rituel de relaxation.)
Giovana- Madame Michel, je ne voulais pas vous vexer. C’était juste une petite plaisanterie. Vous
comprenez ?
Jacqueline- (mielleuse) Bien sûr, je comprends tout à fait... Vous allez voir, vous n’allez pas regretter
votre séjour, nous allons vous traiter comme des « VIP ». (Prononcer à l’anglaise)
Giovana- Comment cela ! Des vieilles pies ! Vous n’allez pas vous y mettre vous aussi !
Jacqueline- (à Vincent) Qu’est-ce que j’ai dit ?
Vincent- Tu as dit « VIP »... Non, ne vous fâchez pas ! Jacqueline a seulement voulu vous montrer
qu’elle savait parler anglais, cela signifie : very important person ». Personnes très importantes... Vous
voyez, il n’y a rien d’insultant à cela.
Mattéo- (s’avançant vers Jacqueline) C’est vrai, ce mensonge ?
Jacqueline- Of course que c’est vrai.

Mattéo- Pourquoi vous dites « œuf corse » ? Ils ne vous plaisent pas nos œufs ?
Vincent- (à Jacqueline) Tu commences à nous fatiguer avec ton anglais... Mes amis, il s’agit d’un simple
malentendu.
Mattéo- Si on ne veut pas se fâcher, on surveille son langage, parce que chez nous, il n’y a pas que les
œufs qui peuvent se brouiller.
Jacqueline- Voyons ! Qu’allez-vous penser ! Je vous jure qu’à aucun moment j’ai voulu être désagréable.
Catalina- Giovana, Mattéo ! Vous voyez bien que Madame la maire dit la vérité. Bonjour Madame
Michel ! Enchantée de faire votre connaissance. Excusez-nous, nous sommes tous un peu fatigués après
ce long voyage mais sachez que nous sommes ravis de ce futur jumelage.
Giovana- Bien sûr ! Moi, du moment qu’on ne me traite pas de vieille pie..
(Mélanie se dirige vers les corses.)
Mélanie- Bonjour ! Je suis Mélanie, la patronne de cet établissement. Bienvenue chez nous ! Il ne sera
pas dit que Bizouilli n’aura pas fait d’effort pour accueillir convenablement ses visiteurs, alors, allez-vous
reposer, vous rafraichir et revenez quand vous voulez pour boire le verre de l’amitié avec nous.
Jacqueline- C’est une excellente idée ! Mélanie a raison, ce sera plus convivial de faire la cérémonie
d’accueil, ici, plutôt qu’à la mairie.
Mélanie- Et puis, au moins, ça fera marcher le commerce local parce que j’espère bien que notre
municipalité nous paiera les apéritifs, n’est-ce pas, madame la maire ?
Jacqueline- Euh... Oui, bien entendu !
Mélanie-A la bonne heure !
Jacqueline- Si vous voulez bien me suivre. Je vais vous montrer le gite rural que nous avons mis à votre
disposition.

Vincent- Je vais vous accompagner... Catalina, vous permettez que je vous prenne votre valise ? Laissez-
moi la porter.

Catalina- Avec grand plaisir, Vincent ! Quelle charmante attention ! Tu as vu cela Mattéo ? Ce n’est pas
toi qui serais aussi galant.
Mattéo- Qui cherche à caresser la chèvre espère sans doute avoir du lait (à Vincent) Marche devant,
pinzuttu, on te suit et toi, Catalina, reste donc près de moi, je préfère.
Catalina- Mais Mattéo !
Mattéo- Il n’y a pas de mais, Catalina Colombani !
Jacqueline- Vincent ?
Vincent- Oui ?
Jacqueline- Quand on veut jouer les serviables, on le fait avec toutes les dames. Si tu veux bien porter la
valise de Madame Giovani.
Vincent- Ah oui... Oui, bien sûr. Dis-donc, Maurice, tu pourrais peut-être m’aider ?
Maurice- Un grand garçon comme toi, tu vas bien y arriver tout seul. Ne t’inquiète pas ! Pendant ce
temps-là, je vais surveiller tes nains de jardin.
(Vincent sort en portant difficilement les deux valises, suivit de Jacqueline, Giovana, Mattéo et Catalina.)
Mélanie- Vous les avez vus, nos futurs jumelés ? Ils ont l’air un peu chaud. Vous croyez que ça va le

faire ?
Pierrot- Si vous voulez mon avis, je ne suis pas devin mais il se pourrait bien que ça se corse.