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C'est la belle nuit de noël
Comédie théâtrale en 3 actes de Yvon Taburet
6 Personnages : 3 Femmes, 3 hommes
Décor : Un salon.
Durée : 90 minutes.
Résumé : Nous sommes le 24 décembre, Sonia et Bertrand s'apprêtent à recevoir leurs enfants mais une violente et inattendue tempête de neige rend finalement tout déplacement impossible ; Sonia a alors l’idée d’inviter les voisins de l’immeuble. C’est ainsi que se retrouveront Mlle Fleury, une végan aux opinions affirmées, Jessica, une décomplexée qui n’a pas la langue dans sa poche et Nicolas, un humoriste dépressif en reconversion. En ce début de soirée, pas facile de partager harmonie et sérénité même un 24 décembre, surtout lorsque surgit Tony, le conjoint que Jessica a viré le midi même. Des dialogues percutants et des situations hilarantes pour rire en attendant Noel.
Extraits
Bertrand mari de Sonia
Sonia- épouse de Bertrand
Mlle Fleury- La voisine du dessus
Jessica- La voisine du dessous
Nicolas- Le voisin du rez de chaussée
Tony- Le conjoint de Jessica
Décor : Un canapé une table de salon. Un sapin de Noel.
Côté Jardin, la porte des toilettes, en fond de scène une porte menant à la cuisine, une autre menant à la salle à manger et aux chambres. Côté cour, la porte d’entrée.
Sur scène, Bertrand en train de finir d’accrocher les dernières boules et guirlandes sur le sapin tandis qu’on entend la chanson « Petit papa Noel ». Bertrand chante en même temps.
BERTRAND- … « Il me tarde tant que le jour se lève… »
VOIX OFF DE SONIA- Bertrand ! Bertrand !
SONIA- Entrant dans la pièce. Ça fait un quart d’heure que je t’appelle, tu deviens sourd ou quoi ? Et puis éteins-moi ça ! Depuis ce midi, tu nous bassines avec ça, c’est bon, ça suffit maintenant !
Elle éteint la musique.
BERTRAND- Quoi ? Tu n’aimes pas « Petit papa Noel » ? Mais c’est cela la magie de Noel. J’ai bien le droit de me mettre dans l’ambiance. Qu’est-ce que tu peux être rabat-joie !
SONIA- Nous commencerons à fêter Noel lorsque les enfants arriveront. Ce n’est vraiment pas la peine de vouloir prendre de l’avance… Moi, je ne serai détendue que lorsqu’ils seront là et que je pourrai les serrer dans mes bras… As-tu seulement regardé par la fenêtre ?
BERTRAND- Ben non, pourquoi ?
SONIA- Mais parce qu’il neige ! Cela fait maintenant plus de deux heures que ça tombe sans discontinuer. Avec des flocons de plus en plus gros…, la neige reste au sol, il y a déjà au moins cinq centimètres.
BERTRAND- Génial ! Je vais pouvoir ressortir les couvercles de poubelles pour aller faire de la luge avec mes petits-enfants, et après nous ferons le plus beau bonhomme de neige du quartier.
SONIA- Encore faut-il que tout le monde arrive à bon port. Je suis si inquiète de les savoir sur la route…
BERTRAND- Tu te fais du mouron pour rien, tu connais notre fils, il roulera prudemment et surement, sois en convaincue… et puis dois-je te rappeler qu’ils n’ont quasiment que de l’autoroute à faire pour arriver jusqu’ici. Ce n’est tout de même pas une si grande expédition… Non, je te le répète, il ne sert à rien de s’inquiéter à l’avance… Appelle-les, si cela peut te rassurer.
SONIA- Tu penses bien que c’est déjà fait, mais à chaque fois, je tombe sur le répondeur.
BERTRAND- C’est normal, s’il conduit, il ne va pas te répondre… Quand je te disais que notre fils était prudent…
SONIA- Et elle ? Tu ne crois pas qu’elle pourrait répondre ?
BERTRAND- Ta belle-fille a toujours laissé ton fils répondre à sa mère. Pourquoi voudrais-tu qu’elle fasse autrement ?
SONIA- Oui, mais là, elle pourrait faire un effort au lieu de me laisser dans l’inquiétude…
BERTRAND- Que veux-tu, on ne change pas les habitudes familiales, alors dis-toi que ta chère belle-fille ne va pas commencer à te téléphoner pour trois flocons qui tombent.
SONIA- Comment cela, trois flocons ! Si tu sortais le nez de ton sapin, tu saisirais peut-être un peu mieux la situation. Décidément, tu ne comprends jamais rien !
BERTRAND- s’approchant de Sonia, une guirlande à la main, il lui passe la guirlande autour du cou. Dites-donc, ma p’tite dame, ce n’est pas un peu fini de m’enguirlander ? Vous savez, si vous continuez, je vais finir par avoir les boules.
SONIA- Oui, tu as raison, excuse-moi… C’est cette neige qui n’arrête pas de tomber qui me rend nerveuse, je ne sais pas pourquoi mais j’ai comme un pressentiment…
On entend une sonnerie de téléphone.
SONIA- Oh Bertrand ! Ce sont eux !
BERTRAND- Et bien, réponds !
SONIA- Allo ?
VOIX DU FILS- Allo ! Maman ?
SONIA- Oui, Jonathan… Ça va ? Vous êtes où ?
VOIX DU FILS- Ca y est ! Nous sommes arrivés à la maison.
SONIA- A la maison ? Ouf ! Comme je suis heureuse, heureuse et rassurée… Bertrand ! Ils sont là ! Attends ! Ton père va descendre à votre rencontre pour t’aider à porter les valises… Bertrand ! Dépêche-toi ! Va aider ton fils. Ne bouge pas mon chéri… Le temps que tu te gares et ton père va arriver…
VOIX DU FILS- Allo Maman ! Laisse-moi t’expliquer, je crois que tu….
SONIA- Oui, oui mon chéri, tu m’expliqueras tout ça lorsque vous serez bien au chaud… Faites attention en sortant de la voiture, ça doit commencer à glisser.
VOIX DU FILS- Maman, écoute-moi ! Quand je te dis que nous sommes à la maison, je ne parle pas de la vôtre, je parle de la nôtre… Nous sommes arrivés dans notre maison.
SONIA- Comment cela dans votre maison ?
VOIX DU FILS- Oui, nous avons dû faire demi-tour… Vous n’écoutez pas la radio ? L’autoroute est fermée. Il y a des dizaines de poids lourds qui se sont mis en travers. Je ne te raconte pas la galère…
SONIA- Oh non ! Ce n’est pas vrai ! Et dire qu’il a fallu que ça tombe la veille de Noel, ce n’est vraiment pas de chance. Mais vous avez fait le bon choix en rebroussant chemin… Espérons que demain, la situation se sera améliorée… Après tout, le chapon et les fruits de mer peuvent bien attendre une journée, n’est-ce pas, mon chéri ?
VOIX DU FILS- Maman, je ne t’ai pas tout dit… En arrivant à cent mètres de chez nous, on s’est pris un abruti qui a freiné brusquement devant nous… Je n’ai pas pu l’éviter… Ce qui fait que le véhicule est inutilisable, la calandre et le parechoc en vrac… Tout ça pour te dire que pour fêter Noel, je crois que ça va être râpé… Ce n’est pas grave… On fêtera ça plus tard.
SONIA- Oui, mais… Et les cadeaux ? Qu’est-ce que vous allez dire aux enfants ?
VOIX DU FILS- Les cadeaux ? Le père Noel ne va pas les reprendre, alors ça peut bien attendre, les enfants comprendront. Bon, je vous laisse, il faut que je contacte l’assurance… il ne faut pas que ça vous empêche de passer une bonne soirée… N’oubliez pas de vous souhaiter un Joyeux Noel, allez ! On se rappelle ! Bisous.
SONIA- à Bertrand- Tu as entendu ?
BERTRAND- Ben oui, j’ai entendu.
SONIA- Ils ne vont pas venir, c’est affreux !
BERTRAND- Non, ce serait affreux s’ils étaient au cimetière ou à l’hôpital. Réjouissons-nous plutôt qu’ils soient rentrés chez eux sains et saufs.
SONIA- Te voilà encore à vouloir tout positiver… Tu m’énerves ! Tu ne comprends pas qu’au lieu de nous retrouver au milieu du rire des enfants, ce soir nous allons réveillonner comme deux vieux croutons.
BERTRAND- Dans ce cas-là, si tu penses que nous sommes devenus de vieux croutons, envisageons cette soirée comme un stage de préparation à notre future admission à la maison de retraite. Je te donne le programme : On regarde le journal régional et la météo à la télé, puis on prend une petite « coupette », parce que tout de même, c’est la fête, ensuite une bonne soupe et au lit. Qu’en dis-tu ? N’est-ce pas un magnifique programme ?
SONIA- Tu sais que ça ne me fait pas rire du tout.
BERTRAND- Et bien, tu devrais. Que crois-tu ? Tu penses peut-être que je ne suis pas déçu de ne pas pouvoir réveillonner avec nos enfants. J’en suis désolé autant que toi mais est-ce une raison pour nous gâcher la soirée ? Voyons plutôt le bon côté des choses, nous ne sommes pas sous les ponts et nous nous aimons, n’est-ce pas déjà merveilleux ?
SONIA- Toute la nourriture… Que va-t-on en faire ? Mes langoustines, mes coquillages… Et mes huitres ?
BERTRAND- C’est dommage qu’il neige sinon je t’aurais proposé d’aller les remettre à l’eau… Autrement, je peux peut-être les mettre dans la baignoire, avec du gros sel, qu’en penses-tu ?
SONIA- L’ignorant- Et mon chapon ? Je ne sais pas si tu l’as vu mais il fait presque quatre kilos ! Nous n’allons tout de même pas manger du chapon toute la semaine ! Sans parler du plateau de fromage…
BERTRAND- Il est vrai qu’avec tout ce que tu as pris, nous pourrions soit ouvrir une crèmerie ou alors en offrir aux voisins.
SONIA- Mais oui ! Les voisins ! C’est une bonne idée ! Nous pourrions inviter les voisins.
BERTRAND- Qu’est-ce que tu racontes ?
SONIA- Ce soir, dans notre immeuble, tout le monde va être logé à la même enseigne. Avec la neige qui continue de tomber, à part les pompiers et les urgences, tu imagines bien que personne ne va se risquer dehors, donc plutôt que de se morfondre chacun dans son coin, nous pourrions réveillonner ensemble.
BERTRAND- Nous ne les connaissons pas. A part bonjour, bonsoir, nous ne nous sommes jamais fréquentés. Et qui voudrais-tu inviter ?
SONIA- Je ne sais pas, moi… Les voisins du dessous, la voisine du dessus…
BERTRAND- La voisine du dessus ? Celle qui nous réveille tous les matins à six heures et demie avec le bruit de ses talons aiguilles sur le plancher. Combien de fois tu m’as dit que tu ne pouvais pas l’encadrer et maintenant, te voilà prête à l’inviter ?
SONIA- Et bien justement, ce sera l’occasion de sympathiser… Après tout, peut-être n’a-t-elle pas conscience du bruit qu’elle fait avec ses talons… Si nous apprenons à nous connaitre, je pourrais lui en parler.
BERTRAND- Si j’avais su que tu souhaitais l’inviter, en guise de cadeau de Noel, je lui aurais offert des chaussons… Ben oui, sur le parquet, c’est mieux que des talons aiguilles… Et tu me parlais des voisins du dessous ? Tu l’as vu, lui ? Il dit à peine bonjour lorsqu’on le croise dans l’escalier. Non, franchement Sonia, es-tu sûre que ce soit une bonne idée ?
SONIA- Te voilà encore avec tes préjugés imbéciles. Tu critiques facilement les autres mais es-tu vraiment certain de valoir mieux ? Eh bien, c’est le moment de prouver ton ouverture d’esprit.
BERTRAND- Pourquoi pas si vraiment cela te chante mais je te préviens, ne vas surtout pas te plaindre si nous passons une soirée abominable.
SONIA- Ce sera toujours mieux que de passer la soirée comme deux pauvres couillons.
BERTRAND- J’ignorais jusqu’à présent que ma présence t’était aussi insupportable, merci, c’est gentil.
SONIA- Ne prends pas la mouche, et ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. Bien sûr que je suis heureuse que tu sois avec moi mais tu peux comprendre que je suis terriblement déçue de ne pas pouvoir réveillonner avec les enfants. Je m’étais imaginée une ambiance festive, une ambiance de Noel, quoi !
BERTRAND- Si c’est une ambiance de Noel que tu veux, je peux te repasser « Petit papa Noel »
SONIA- Arrête de faire semblant de ne pas comprendre. C’est pourtant simple, nous sommes coincés à cause de la neige, nous n’avons ni la possibilité de sortir boire un verre ou d’aller au cinéma mais nous avons à manger pour un régiment et l’occasion de faire connaissance avec nos voisins… ce soir est un excellent prétexte pour les inviter, alors ? C’est oui ou c’est non ?
BERTRAND- Si je te contredis, tu vas me faire la soupe à la grimace toute la soirée. Avec toutes les provisions que nous avons, ce serait dommage de se contenter d’une soupe, et bien, va pour les voisins.
SONIA- Merci mon chéri ! Tu verras, mon petit doigt me dit que nous risquons d’être étonnés.
BERTRAND- Ca, je n’en doute pas un seul instant… Voyons… Quelle heure est-il ? 17heures… Je crois qu’il va être temps de lancer les invitations. Partageons-nous les tâches, je te laisse le choix… Que préfères-tu ? La voisine du dessus ou les voisins du dessous ?
SONIA- Attends une seconde ! (Elle s’engouffre dans la cuisine pour revenir aussitôt avec un sac poubelle.) Tiens, je te laisse les voisins du dessous et comme tu adores joindre l’utile à l’agréable, tu en profiteras pour descendre la poubelle.
Elle lui tend le sac poubelle qu’il prend.
BERTRAND- Je reconnais bien là ton esprit pratique. Tu sais que tu es une petite maline, toi ? Viens donc me faire un petit bécot avant que je parte en mission.
SONIA- Bas les pattes ! Le travail d’abord, le plaisir ensuite et ne traine pas trop chez les voisins parce qu’il y a encore du boulot.
BERTRAND- A vos ordres, chef ! Si c’est toi qui dirige le bal, je vais en profiter pour aller danser.
SONIA- Qu’est-ce que tu racontes encore ?
BERTRAND- Ben quoi ? Tu ne connais pas la chanson ? (Il chante sur l’air de « la plus belle pour aller danser ») « Ce soir je descends la poubelle pour aller danser.»
SONIA- N’importe quoi !
BERTRAND- A tout de suite !
Il ouvre la porte d’entrée.
BERTRAND- Sur le seuil de la porte- Oh ! Bonjour ! Quel heureux hasard ! Figurez-vous que mon épouse s’apprêtait à venir vous voir. Entrez, je vous prie ! Moi, je vous laisse… (Désignant la poubelle) Le devoir m’appelle… Pardon… Allez-y ! Entrez ! Elle va tout vous expliquer… A plus tard, peut-être ?
Il sort, tandis que Mademoiselle Fleury entre puis reste sur le pas de la porte.
SONIA- Mademoiselle Fleury, c’est bien cela. J’ai eu l’occasion de voir votre nom inscrit sur votre boite à lettre mais nous ne nous connaissons pas. Je suis enchantée. Au fait, je me présente : Sonia Leclerc, comment allez-vous ?
Mlle FLEURY- à Sonia- Je vous écoute. Qu’avez-vous à me dire ?
SONIA- Rien de désagréable, rassurez-vous… Vous avez dû, comme nous tous, constater qu’il neige.
Mlle FLEURY- Effectivement, je ne suis pas aveugle, j’ai bien vu qu’il neigeait. C’est pour parler de la météo que vous souhaitiez vous entretenir avec moi ?
SONIA- Non mais, comme il neige abondamment, nous nous sommes dit, mon mari et moi qu’il était possible que vous restiez chez vous ce soir et que vos éventuels projets de réveillon allaient peut-être être compromis.
Mlle FLEURY- Chère madame, pardonnez-moi mais ma vie privée ne vous regarde pas. Si c’est tout ce que vous avez à me dire, permettez-moi de me retirer.
SONIA- Non, non… Attendez ! Je me suis mal exprimée, je ne voulais pas être intrusive… Comment vous dire… Voilà, pour faire simple, nous devions recevoir nos enfants, ce soir pour le réveillon mais à cause de la neige, ils ne viendront pas, et comme nous avions prévu le repas, nous nous sommes dit : Pourquoi ne pas inviter les voisins ?
Mlle FLEURY- Si je comprends bien, vous souhaitez que je remplace vos enfants pour vous tenir compagnie. C’est bien cela ?
SONIA- Non, pas du tout, nous avons seulement pensé qu’au vu des conditions météo exécrables peu de gens allaient se déplacer ou recevoir de la visite ce soir, c’est pourquoi nous nous sommes dit que nous pourrions vous inviter, vous et les voisins du dessous, qu’en pensez-vous ?
Mlle FLEURY- Je ne sais pas.
SONIA- Ce serait l’occasion de mieux nous apprécier… plutôt que de rester chacun dans son coin, nous pourrions fêter Noel tous ensemble. Allez, dites oui ! Franchement, cela nous ferait plaisir.
Mlle FLEURY- Ecoutez Madame Leclerc, pour tout vous dire, je n’aime pas trop fêter Noel, vous avez dû le constater, c’est devenu une énorme fête commerciale que chacun est libre de cautionner ou pas. Personnellement je préfère ne pas prendre part à cette dérive consumériste, vous comprenez ?
SONIA- Euh non… Pas vraiment…
Mlle FLEURY- Ca ne m’étonne pas ! Beaucoup de gens sont comme vous et ne pensent qu’à consommer de manière effrénée. Permettez-moi de ne pas participer à cette mascarade.
SONIA- Ecoutez, je n’ai probablement pas votre intelligence et je n’ai pas analysé tout ça. Moi, je me disais bêtement que Noel, c’était surtout un moment de pause, de paix et de partage où le temps d’une soirée, on pouvait prendre le temps de se parler et de se regarder différemment. N’avais-je pas raison ?
Mlle FLEURY- Euh… Si, bien sûr !
SONIA- Bon, ben c’est tout… Maintenant je vois bien que vous n’êtes pas d’accord, je peux naturellement le comprendre… N’en parlons plus. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps… Je suis désolée de vous avoir dérangé, j’espère que vous ne m’en voudrez pas… Attendez, je vais vous raccompagner.
Mlle FLEURY- C’est entendu, je veux bien venir à votre soirée mais je préfère vous le dire tout de suite, je suis végan.
SONIA- Ah oui, j’ai déjà entendu ce mot-là... Végan… C’est quoi déjà ?
Mlle FLEURY- La souffrance animale, cela vous dit quelque chose ? Et bien être végan, c’est refuser l’exploitation animale sous toutes ses formes, cela commence naturellement par une alimentation qui exclura toute consommation animale, vous comprenez ?
SONIA- Cela veut dire que vous ne mangerez pas de volaille donc pas de chapon … Ce n’est pas grave, si vous ne mangez pas de viande, vous mangerez les fruits de mer.
Mlle FLEURY- Non, ce sont aussi des animaux.
SONIA- Ne me dites pas que vous vous apitoyez aussi sur le sort d’une crevette ou d’une huitre ?
Mlle FLEURY- Bien évidement, vous savez, ce sont des espèces animales tout à fait respectables.
SONIA- Comme vous voudrez, chacun ses goûts… Vous vous rattraperez sur le fromage et le dessert.
Mlle FLEURY- Ah non, pas le fromage. Dois-je vous rappeler que le fromage est un produit laitier issu de la vache. Le lait est fait pour être bu par les veaux, non par les hommes, j’en consommerai seulement si vos fromages sont élaborés avec de la présure végétale, quant aux desserts, on peut faire d’excellents gâteaux à base de lait végétal et de fruits par exemple.
SONIA- A cette heure-ci, je ne suis pas sûre d’avoir le temps de me lancer dans de la pâtisserie.
Mlle FLEURY- Ne vous tracassez pas pour moi, j’ai l’habitude. Je viendrai avec mes récipients alimentaires..
SONIA- Donc si je comprends bien, vous acceptez de venir ?
Mlle FLEURY- Comme vous l’avez dit si bien, il peut parfois être utile de connaitre un minimum ses voisins… Surtout pour moi qui vis seule... A quelle heure souhaitez-vous que je vienne ?
SONIA- Je ne sais pas… Vers 20 heures, ça vous ira ?
Mlle FLEURY- Entendu, j’y serai. J’espère que vous n’exigez pas une tenue de soirée, je déteste le tralala et toutes les simagrées qui vont avec.
SONIA- Ce n’est pas le genre de la maison, personnellement je mettrai certainement une jolie robe mais rassurez-vous, par respect pour la cause animale, je ne porterai ni manteau de vison, ni toque en peau de chèvre.
Mlle FLEURY- Très drôle.
SONIA- N’est-ce pas ? J’espère que l’humour n’est pas interdit chez les végans ?
Mlle FLEURY- Non, lorsqu’il est subtil et intelligent, cela ne me pose aucun problème.
Elle sort.
SONIA- Alors là ! En voilà une ! Un sacré spécimen ! La reine de la bonne humeur, ça se voit tout de suite. J’espère qu’elle ne va pas nous gâcher la soirée.
Entrée de Bertrand.
BERTRAND- Je viens de voir la voisine du dessus monter l’escalier. Alors ? Tout s’est bien passé ? Qu’a-t-elle dit ?
SONIA- Elle était un peu réticente au départ mais finalement elle a accepté.
BERTRAND- A la bonne heure !
SONIA- J’espère que ça va aller.
BERTRAND- Ah bon ? Pourquoi dis-tu cela ?
SONIA- D’après ce que j’en ai vu, elle a l’air un peu… Comment dire… Elle n’est pas très facile d’accès…
BERTRAND- Un peu vieille fille coincée, c’est cela ?
SONIA- Oui, je ne sais pas si on peut dire cela comme ça mais ce n’est pas faux.
BERTRAND- C’est vrai que quand on la voit sans la connaitre, elle ne parait pas hyper-sexy et avenante. Si un jour elle veut faire battre le cœur des hommes, il faudra qu’elle les oblige à monter l’escalier en courant autrement je ne vois pas comment elle y arrivera.
SONIA- C’est très méchant ce que tu dis. Tu ne la connais pas. Que sais-tu de sa beauté intérieure ? Ah oui ! J’ai oublié de te le dire, elle est végan.
BERTRAND- Végan ? Tu veux dire qu’elle ne mange pas de viande ? Si je comprends bien, ce n’est pas elle qui va nous aider à finir le chapon… Tu fais bien de me prévenir, si en plus elle est végan, je vais arrêter de la critiquer et de faire mon gros bœuf parce que c’est bien connu, il ne faut pas être trop vache avec les végans.
SONIA- Pouffant- Qu’est-ce que tu racontes ! Espèce d’andouille !
BERTRAND- Ah ! Ça aussi, à ne pas dire devant une végan.
SONIA- Au lieu de raconter des âneries, dis-moi plutôt comment ça s’est passé avec la voisine du dessous ?
BERTRAND- Elle était ravie. Dès que je lui ai fait la proposition, tout juste si elle ne m’a pas sauté au cou. Elle a accepté tout de suite avec enthousiasme.
SONIA- Sans même en parler à son mari ? C’est curieux, tu ne trouves pas ?
BERTRAND- Elle n’a pas l’air d’être du genre à se faire dicter sa conduite. A mon avis, lorsqu’elle a décidé quelque chose, elle y va franco… Tu verras lorsque tu la rencontreras, elle non plus n’a pas l’air triste… Bon, moi, il faut que je redescende… Je n’en ai pas pour longtemps mais figure-toi, qu’à cause de la neige, je n’ai pas pu accéder au local-poubelles. Je dois avoir une pelle dans notre cave, cela permettra de des enneiger l’accès à la porte. Il faut que je pense à prendre la clé de la cave et à bien me couvrir. Tu verrais cela, ça tombe de plus en plus, les enfants ont bien fait de ne pas insister… A présent, il y a au moins 20 centimètres de neige. Allez ! J’y retourne !
Il sort.
SONIA- En tous cas, me voilà rassurée de savoir que toute ma petite famille est bien en sécurité chez elle. Quelle tempête ! C’est fou !
On sonne à la porte d’entrée.
SONIA- Ce doit être Bertrand, à tous les coups, il a pensé à la clé de la cave mais il n’a pas pensé à reprendre la clé de l’appartement et le voilà à la porte. Voilà, voilà, j’arrive ! (Elle ouvre la porte) Entre chéri !
Entrée de Jessica. Sonia de saisissement recule tandis que Jessica entre dans la pièce.
JESSICA- C’est gentil de m’accueillir comme ça ! Ça fait vraiment plaisir.
SONIA- Je pensais que c’était mon mari, c’est pour cela…
JESSICA- Mais bien sûr ! Je rigole ! Je me doute bien que vous n’allez pas m’appeler chérie dès notre première rencontre… Oh mais c’est mignon chez vous ! C’est dingue! C’est fichu comme chez moi… Ici le salon (désignant les deux portes) là, la salle à manger et là, la cuisine, pas vrai ? Si j’apportais mes meubles ici, j’aurais l’impression d’être chez moi. Au fait, moi c’est Jessica et vous ?
SONIA- Sonia, enchantée.
JESSICA- Votre mari, je viens de le recroiser dans l’escalier… C’est lui qui m’a dit à propos de l’invitation… c’est Bertrand, n’est-ce pas ? Oui, c’est ça Bertrand... C’est drôle, mais les noms des garçons, je n’ai jamais eu de mal à m’en souvenir, surtout quand ils étaient mignons… Dites, il a l’air sympa, votre Bertrand et plutôt bel homme.
SONIA- Oui, ça va.
JESSICA- C’est un comme ça qu’il me faudrait. Un gars sympa et propre sur lui
SONIA- Mais… Vous êtes en couple si je ne m’abuse.
JESSICA- Non, vous, vous n’abusez pas, c’est Tony qui abuse. Tony, c’est mon homme, celui-là, j’aurais mieux fait de me casser une patte, le jour où je l’ai rencontré… Ce n’est pas qu’il soit méchant mais il est fainéant, fainéant comme ce n’est pas possible…C’est bien simple, si vous me demandiez s’il est petit ou grand, je serais incapable de vous le dire tellement je suis habituée à le voir toujours assis… Assis ou allongé.
SONIA- Rassurez-le, ce soir, c’est nous qui ferons le service, il n’aura rien à faire.
JESSICA- Ce soir, il ne sera pas là, je l’ai viré ce midi. Bon débarras ! Moi je suis plutôt gentille mais il y a un moment, faut pas me chercher et le Tony, à force de me chercher, il a fini par me trouver.
SONIA- Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais ne pensez-vous pas que se faire mettre à la porte, une veille de Noel, c’est un peu dur ?
JESSICA- Ça se voit que vous ne le connaissez pas, le Tony …Attendez que je vous explique… Pour aujourd’hui, je lui avais trouvé du boulot. Et oui, c’est moi qui le lui avais trouvé parce que Tony, il est plus fort pour chercher que pour trouver…Bref, grâce à un copain photographe, je lui avais dégotté un job, il devait faire le père Noel dans une galerie commerciale…Plutôt cool comme boulot, non ? il avait rendez-vous à 10 heures. A 8 heures, je le réveille, je lui prépare son café, je lui beurre ses tartines…
SONIA- Ca, c’est sympa, moi-même je ne sais pas si…
JESSICA- Attendez ! C’est pas fini ! Que je vous raconte la suite… et puis je vais faire des ménages dans le quartier d’à côté, c’est mon boulot, femme de ménage, technicienne de surface comme ils disent maintenant, il parait que ça fait plus riche de dire ça, mais pour la paie, ce n’est pas mieux, enfin bref… Je reviens à 12h30 et qu’est-ce que je vois ? Mon Tony au lit ! Monsieur s’était recouché et quand je l’ai réveillé, tout ce qu’il a trouvé à me dire, c’est : « Aujourd’hui il fait trop froid, j’irai faire le père Noel demain. »
SONIA- Ah oui ! Tout de même.
JESSICA- Vous vous rendez compte ? On lui propose un jour de boulot dans l’année et Monsieur ce jour-là est prêt à se faire porter pâle ! Vous avez déjà vu ça, vous ? J’irai faire le père Noel le 25 décembre, pourquoi pas le 14 juillet ! Non mais ! Je vous jure !
SONIA- Oui, là, j’avoue…
JESSICA- C’est pour ça que je l’ai sorti du lit, je l’ai attrapé par la peau du slip et je l’ai fichu dehors. Je ne vais tout de même pas continuer à me crever la paillasse pour quelqu’un qui se tourne les pouces toute la journée.
SONIA- Et vous avez des enfants ?
JESSICA- Oui, j’en ai trois, trois gars de trois pères différents. Que voulez-vous, j’ai toujours aimé la diversité… Tous de braves gosses… Mais ils sont grands maintenant… J’en ai pas eu avec Tony, c’est une chance, j’ai encore du pot dans mon malheur, si j’en avais eu un avec lui, je suis sûre qu’il aurait été fainéant comme son père… De la fainéantise comme ça, c’est forcément héréditaire, ça ne s’apprend pas, ça se transmet… Mes enfants, je devais les rejoindre comme tous les ans chez l’ainé, mais là, avec ce qu’il tombe, j’ai préféré annuler… C’est pour ça que quand votre mari est venu me voir pour m’inviter, j’ai trouvé ça super chouette.
SONIA- Bien ! Nous pouvons donc compter sur vous alors ?
JESSICA- Un peu que je veux ! J’ai une bûche de Noel que je devais apporter aux enfants, je l’amènerai.
SONIA- Comme vous le souhaitez mais vous savez il y a déjà suffisamment à manger…
JESSICA- Vous croyez peut-être que j’ai l’habitude de venir les mains dans les poches quand je me fais inviter ? Ben non, ce n’est pas le genre de la maison… Et pour commencer, j’imagine qu’il y a encore des préparatifs à faire alors laissez-moi vous aider, à deux, ça ira plus vite.
SONIA- Mais non, je ne vais tout de même pas vous mettre à contribution.
JESSICA- Taratata ! Avec Jessica, on ne discute pas. Je ne vous l’ai pas dit, ma mère était bretonne, pour les langoustines, je suis la reine de la cuisson. Allons en cuisine, je vais vous préparer ça. Pas la peine de me montrer la porte, je vous dis, c’est comme chez moi. (Elle ouvre la porte de la cuisine.) Après vous !
Elles entrent dans la cuisine tandis qu’arrivent par la porte d’entrée, Bertrand et Nicolas.
BERTRAND- Allez-y ! Entrez ! Ne restez pas là… Tenez ! Il y a encore du café dans la cafetière. Un petit café ? Ça va nous réchauffer. Vous avez vu, dehors, il faisait un froid glacial… Alors je vous sers un café ?
NICOLAS- Un café ? A cette heure-ci… Je risque de ne pas dormir.
BERTRAND- Quelle importance ! Nous sommes le 24 décembre. Ne me dites pas que vous allez vous coucher comme les poules ?
NICOLAS- Je ne sais pas… ça se couche à quelle heure une poule ? Comme je n’en connais pas personnellement, je vous pose la question.
BERTRAND- Ah oui ! Dites-moi, vous êtes un sacré marrant, vous ! À première vue, on ne croirait pas mais en fait, si… En tous cas, c’était sympa de m’aider à déneiger le chemin du local- poubelles.
NICOLAS- Ca m’a fait plaisir de le faire et puis ça m’a réchauffé… Comme je n’ai plus de chauffage chez moi, ça m’a fait du bien de m’activer.
BERTRAND- Comment cela ? Vous n’avez pas de chauffage ?
NICOLAS- Non mais j’ai des couvertures… Avec la doudoune et les couvertures, ça va.
BERTRAND- Et ça fait longtemps que vous n’avez plus de chauffage ?
NICOLAS- Depuis ce matin, je ne sais pas ce qui s’est passé, avant ça fonctionnait, maintenant ça ne fonctionne plus.
BERTRAND- Vous avez appelé un dépanneur ?
NICOLAS- Non, je n’ai pas eu le temps.
BERTRAND- Comment cela, vous n’avez pas eu le temps ?
NICOLAS- En fait, je n’y ai pas pensé.
BERTRAND- Pas pensé ? Mais c’est dingue ! Sans chauffage, il doit faire chez vous 10 degrés à tout casser et vous n’appelez personne ?
NICOLAS- Ne criez pas ! S’il vous plait, ne criez pas… Je n’aime pas quand on crie.
BERTRAND- Je n’ai pas crié, j’ai simplement un peu élevé la voix.
NICOLAS- Et bien, n’élevez pas la voix… S’il vous plait ! (Il réprime un sanglot.)
BERTRAND- Oui, bien sûr… Mais… Ça va ? Vous vous sentez bien ?
NICOLAS-Se reprenant- Voyons, je n’ai pas le nez bouché et j’arrive même à vous sentir, vous pensez si je me sens bien… Je peux même vous sentir… Non, c’est juste une petite « blagounette » pour faire rire mais je vois que ça ne vous fait pas rire… Vous n’aimez pas rire ?
BERTRAND- Si, si, j’aime beaucoup.
NICOLAS- Ah ! Alors c’est parce que vous la connaissiez déjà ? Attendez ! J’en ai une autre… C’est l’histoire du Schtroumpf qui court, qui tombe et qui se fait un bleu.
BERTRAND- Oui ? Et alors ?
NICOLAS- Alors quoi ? Il tombe et il se fait un bleu… Le schtroumpf !
BERTRAND- Ah oui, d’accord !... Le schtroumpf.
NICOLAS- Des histoires comme ça, j’en avais tout un spectacle parce qu’il faut que je vous dise… avant j’étais humoriste mais ce n’était pas facile tous les jours, disons que j’ai eu un peu de mal à rencontrer mon public ou c’est peut-être mon public qui a eu du mal à me rencontrer, je ne sais pas… C’est peut-être pour ça que j’ai fait une petite dépression mais maintenant ça va mieux… beaucoup mieux… Enfin… ça dépend des jours…Mais normalement, ça va mieux.
BERTRAND- Oui, je comprends. Alors comme ça, vous habitez au rez de chaussée ? C’est curieux, je ne vous avais jamais vu auparavant.
NICOLAS- Avant, j’étais souvent en tournée, c’est pour ça qu’on ne me voyait pas mais maintenant, comme j’envisage une reconversion professionnelle, vous risquez de me voir plus souvent.
BERTRAND- Ah oui ? Vous avez pensé à un métier en particulier ?
NICOLAS- J’ai plusieurs pistes… On m’a proposé un poste de testeur de parachutes. C’est bien, il parait qu’on est embauché tout de suite, sans période d’essais. Qu’en pensez-vous ?
BERTRAND- Moi, à votre place, j’aimerais autant faire un essai, ce serait plus sûr.
NICOLAS- Franchement, vous pensez que ça pourrait me convenir ?
BERTRAND- Pourquoi pas ? Vous avez oublié d’appeler un dépanneur, ça veut dire que vous êtes un peu tête en l’air, ça peut être un atout pour tester des parachutes..
NICOLAS- C’est vrai… Et puis si je suis pris, ça pourrait me permettre de rebondir.
BERTRAND- En parachute, je ne sais pas si c’est vraiment conseillé… De rebondir.
NICOLAS- De toute façon, avant de chercher du travail, il faut d’abord que ça aille mieux parce que des fois… (Il réprime un sanglot.) Mais ça va… Il suffit de remonter la pente, pas vrai ? Il vaut mieux voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide mais je cause, je cause… Je ne vais pas vous déranger plus longtemps… Je vais y aller !
BERTRAND- Non, restez ! Je vous assure, vous ne me dérangez pas !
NICOLAS- C’est curieux, c’est exactement ce que je disais aux gens qui venaient voir mon spectacle quand je les voyais quitter la salle. « Restez, vous ne me dérangez pas. » … Encore ceux-là étaient courtois, ils se levaient discrètement… Non, ceux que je n’aimais pas, c’étaient ceux qui sifflaient et qui criaient après moi. Vous comprenez pourquoi je n’aime pas trop quand on élève la voix, cela me rappelle trop de mauvais souvenirs.
BERTRAND- Oui, je comprends… Au fait… Moi, c’est Bertrand et vous ?
NICOLAS- Nicolas, moi c’est Nicolas.
BERTRAND- Dites Nicolas… Vous avez quelque chose de prévu ce soir ?
NICOLAS- Ce soir, dites-vous ? Attendez que je consulte mon agenda… (Il sort un petit agenda de sa poche.) Alors… Voyons voir… (Il le feuillète) Mai, juin, juillet…Vous pouvez me rappelez quel jour nous sommes ?
BERTRAND- Oui, le 24 décembre.
NICOLAS- Toujours feuilletant- Octobre… Novembre… Ah ! Si nous avions été le 27 novembre, ça n’aurait pas été possible, j’étais pris… Vous avez dit 24 décembre, c’est bien ça ? Ah ben non… A priori… Je n’ai aucun rendez-vous… A moins que j’ai oublié de noter… Mais je ne crois pas.
BERTRAND- Ça vous dirait de vous joindre à nous pour fêter le réveillon ? Nous avons invités la voisine du dessus, ceux du dessous…
NICOLAS- Et vous avez pensé à moi, c’est gentil.
BERTRAND- Non, ce n’est pas gentil, c’est normal. C’est tout de même la nuit de Noel.
NICOLAS- récitant- « C’est la belle nuit de Noel, la neige étend son manteau blanc, Et les yeux levés vers le ciel, à genoux les petits enfants »
BERTRAND- Vous aussi, vous la connaissez ? Vous savez que j’ai le disque ?
NICOLAS- Non ! Mais c’est formidable.
BERTRAND- Vous voulez que je le passe ?
NICOLAS- Je n’osais pas vous le demander.
Bertrand se dirige vers la platine et met la chanson. Durant tout le morceau, Nicolas et Bertrand mimeront les paroles.
NICOLAS-à la fin du morceau- C’était génial ! Ça m’a fait un bien fou ! D’habitude je ne suis pas nostalgique mais là, de repenser à mon enfance, si heureuse… Préservée de tous les problèmes… (Son visage se décompose, il s’apprête à pleurer puis se ressaisis)… Non, non, tout va bien ! Tout-va-bien ! (à lui-même) Le verre … Pense au verre…
BERTRAND- Comment cela, le verre ?
NICOLAS- Le verre à moitié plein…Pas à moitié vide. Pas vrai ? Il faut toujours voir le verre à moitié plein, n’est-ce pas ?
BERTRAND- En tous cas, ce soir, comptez sur moi pour vous le remplir, votre verre… Et faites-moi confiance, nous ne boirons que de bonnes bouteilles.
NICOLAS- Dans ce cas, je viendrai avec mes deux amies. Vous devez les connaitre, elles s’appellent modération et parcimonie. C’est un principe, je bois toujours avec modération et parcimonie.
BERTRAND- A la bonne heure ! Et si nous rajoutons bonne humeur, ce sera une belle soirée. A tout à l’heure, donc… Disons vers 20 heures.
NICOLAS- A tout à l’heure, Bertrand !
Tandis que Nicolas sort par la porte d’entrée. Sonia sort de la cuisine avec Jessica.
JESSICA- Ben voilà, le plus gros est fait, y a plus qu’à laisser refroidir. Rien que d’y penser, j’en ai les babines qui se soulèvent. Vous avez vu tout ce qu’il y a à becqueter ? On va s’en mettre jusque-là… ça tombe bien, je n’ai pas mangé ce midi… J’ai bien fait… J’ai tellement faim que je pourrais manger un cheval… Bon ! Je retourne chez moi… On a dit vers 20 heures, c’est bien ça ? Au fait ? Vous avez prévu des accessoires pour l’ambiance de Noel ? Non, je vois bien… Vous inquiétez pas, je m’occupe de tout… Qu’est-ce qu’on va se marrer ! A tout à l’heure.
Elle sort.
BERTRAND- Ben dis-donc ! Quelle tornade !
SONIA- A qui le dis-tu !... Mais dis-moi… Lorsque j’étais dans la cuisine, j’ai rêvé ou j’ai encore entendu « Petit papa Noel » ? A ce point-là, ça tourne à l’obsession. Qu’y a-t’il, mon petit mari ? Confiez-vous à votre petite femme… Que signifie ce besoin incessant de vouloir écouter cette chanson ? Auriez-vous peur que l’on oublie votre petit soulier ?
BERTRAND- En parlant de souliers, j’ai l’impression que ce soir, nous allons réveillonner avec de sacrées pointures.
SONIA- Tu le penses aussi ? Moi-même, j’y songeais, il y a deux minutes, en regardant travailler Jessica… Elle est charmante mais, comment dire… Parfois un peu … Pittoresque… Pour tout te dire, je ne suis pas certaine que l’alchimie se fasse avec Mlle Fleury. Elles ont des personnalités tellement différentes… Je sais bien qu’on ne peut pas revenir en arrière mais, à présent, je me demande si c’était vraiment une bonne idée cette invitation.
BERTRAND- Attends ! Tu n’as pas tout vu… Cerise sur le gâteau… Nous avons un invité surprise. C’est pour lui que j’ai mis « Petit papa Noel » Il s’appelle Nicolas.
SONIA- Ah bon ? Mais pourquoi, l’as-tu invité ? Il n’était pas prévu dans le casting.
BERTRAND- Il m’a aidé à déblayer la neige qui obstruait la porte du local-Poubelles… Et quand j’ai su qu’il était tout seul et qu’il n’avait plus de chauffage chez lui, je n’ai pas pu m’empêcher de l’inviter.
SONIA- Oh le pauvre ! Tu as très bien fait mon chéri.
BERTRAND- J’ai oublié de te dire l’essentiel… A première vue, il a l’air tout à fait normal mais parfois sans crier gare, il se met à pleurer comme une madeleine… En fait, je crois bien qu’il est complètement dépressif.
SONIA- Et bien, ça promet… Entre une excitée, une coincée et un dépressif, on va bien s’amuser.
BERTRAND- Ouais, cette année, on a été gâtés. On a récupéré des sacrés cadeaux… La soirée n’est même pas commencée que je l’imagine déjà… Faut que je me ressaisisse parce que je finirais par attraper le bourdon… Je ne sais pas si c’est le fait d’avoir côtoyé Nicolas, je ne sais pas si c’est contagieux son truc mais d’un coup, je me sens tout chose… Dis-moi ma chérie, je peux te demander une faveur ?
SONIA- Bien sûr mon cher petit mari, dis-moi tout de suite qu’est-ce que je peux faire pour te remonter le moral ?
BERTRAND- J’aimerais retrouver la magie de Noel… Tu veux bien me remettre « Petit papa Noel » ? Je suis sûr que ça va me faire du bien. Cela ne te dérange pas ?
SONIA- levant les yeux au ciel- Non, non…
BERTRAND- Tu en es certaine ?
SONIA- Puisque je te le dis !
Elle se dirige vers la platine. On entend : « Petit papa Noel » NOIR ou RIDEAU .
Fin du premier acte