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Quand le sans gain s'énerve

 

Comédie théâtrale de Yvon Taburet.

Décor : un salon, un canapé, une table basse... Côté jardin, une porte menant vers les chambres. Côté cour, une porte d’entrée. En fond de scène, une porte menant à la cuisine.

Durée : 90 minutes

Résumé : Marianne a participé et a été pendant quatre-vingt-dix jours la gagnante du célèbre jeu télévisé Tout le monde veut gagner du pognon. En compagnie de Gilles, son mari, elle rentre à la maison, espérant un repos bien mérité ; mais à peine arrivée, elle va devoir supporter Belle- Maman qui n’est pas la plus agréable des belles-mères, des livreuses à domicile plutôt pittoresques, de nombreux quémandeurs tous attirés par l’argent récolté par Marianne, et un fan, amoureux très insistant. Comme si cela ne suffisait pas, arrive alors Jean-Pascal, un candidat que Marianne a contribué à éliminer et qui est prêt à tout pour avoir sa revanche

Distribution : 6f3h (les rôles de Jocelyne (3 répliques) et de Mme Ribouchon seront tenus par a même actrice) ou 5f 4h (le rôle de Jo peut être masculinisé)

 

 

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Extraits

 

 ..........

Voix off de l’animateur- Nous arrivons au terme de cette sélection. Il ne reste plus que deux candidats pour affronter notre championne. Qui de ces deux candidats va tenter de succéder à Marianne, notre incroyable Marianne dont c’est aujourd’hui la quatre-vingt dixième participation... Qui va essayer de détrôner la reine Marianne ? Jocelyne ou Jean-Pascal. (Au public) Je vous demande de les applaudir... Jocelyne êtes-vous prête ?

Jocelyne- Oui, je suis prête.

Voix off- Ca va Jocelyne ? Pas trop nerveuse ?

Jocelyne- Si bien sûr mais j’espère que ça va aller.

Voix off- Naturellement et pour vous encourager, vous pouvez compter sur notre fabuleux public, (au public) n’est-ce pas les amis ? Je ne vous entends pas... N’est-ce pas les amis ?... Je me tourne à présent vers Jean-Pascal. Jean-Pascal êtes-vous prêt ?

Jean-Pascal- Dévoré par les tics- Oui, je suis prêt.

Voix off- Je vous sens un petit peu nerveux, Jean-Pascal. Allez, détendez-vous.

Jean-Pascal- Non, tout va bien, je suis très calme.

Voix off- Vous pensez que vous êtes vraiment calme ?

Jean-Pascal- énervé- Puisque je vous le dis ! Je suis calme.

Voix off- Ah ! Je vois qu’il ne faut pas trop énerver Jean-Pascal. Après tout, à chacun sa concentration. On peut tout de même encourager et applaudir Jean-Pascal ... Bien... Alors, sans plus attendre, entrons dans le vif du sujet... voici la première question... Je vous rappelle la règle, deux propositions, carton vert pour la première proposition, carton rouge pour la deuxième. ... Première question... Que signifie l’adjectif « rhapsodique » ? Première proposition : Il qualifie une manière de chanter du rap sans s’arrêter... Deuxième proposition : Il s’applique à ce qui est décousu, désordonné.

Les deux candidats soulèvent le carton rouge.

Voix off- Et oui ! Vous avez raison. Au propre comme au figuré, ce terme s’applique à ce qui est décousu, désordonné... Excellente réponse de nos deux candidats...Je tiens à préciser toutefois qu’il n’est pas exclu qu’un rapper écrive des raps rhapsodiques. Pour ne vexer personne, nous ne citerons pas de nom... Question suivante... Une question de géographie... Quelle est la capitale du Zimbabwe ? Proposition numéro un : Harare... Proposition numéro deux : Maputo.

Les deux candidats soulèvent le carton vert.

Voix off- Ils sont forts ! Vraiment très forts... Effectivement Harare est bien la capitale du Zimbabwe tandis que Maputo est la capitale du... Du ?

Jean-Pascal- Du Mozambique.

Voix off- Et Oui, du Mozambique. Bravo Jean-Pascal. Vous le saviez Jocelyne ?

Jocelyne- Franchement non, j’ai répondu au hasard.

Voix off- Le hasard fait bien les choses puisque vous voilà à égalité parfaite. Voici donc la dernière question qui va peut-être enfin vous départager. Question de littérature... Quel fut le premier lauréat du prix Nobel de littérature en 1901 ? Proposition numéro un : Emile Zola ? Proposition numéro deux : Sully Prudhomme ?

Les deux lèvent le carton rouge.

Voix off- Très bonne réponse de la part de nos deux candidats. Nous nous retrouvons encore une fois avec une égalité parfaite. Dans ces cas-là, vous connaissez la règle, c’est notre championne qui va devoir les départager.... Je me tourne à présent vers Marianne... Marianne, de votre réponse dépendra le sort de Jocelyne et de Jean-Pascal... Qui souhaitez-vous affronter ?

Voix off de Marianne- Désolée Jean-Pascal mais je vais choisir Jocelyne.

Jean-Pascal- Comment cela Jocelyne ? Non, ce n’est pas possible ! Vous avez bien vu, je suis bien meilleur qu’elle. Tout à l’heure, elle a répondu au hasard, elle vous l’a elle-même avoué, c’est moi que vous devez choisir !

Voix off- Coupez ! C’est bon, Jean-Pascal, vous connaissez la règle, soyez beau joueur, vous avez perdu, vous tenterez votre chance une autre fois... J

ean-Pascal- Certainement pas ! Laissez-moi concourir contre Marianne ... Allez-y ! Reposez-nous d’autres questions et vous verrez bien qui est le plus fort.

Voix off- N’insistez pas... Le jeu est fini... Jean-Pascal, je vais vous demander de quitter le plateau.

Jean-Pascal- S’accrochant au pupitre. Il n’en est pas question ! Vous devez me laisser ma chance. C’est trop injuste ! Je veux jouer ! Vous entendez ? Je veux jouer !

Voix off- Sécurité ! S’il vous plait, sécurité ! Deux agents de sécurité interviennent et se saisissent de Jean-Pascal.

Jean-Pascal- Au secours ! Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi ! Bande de sauvages !

Ils disparaissent en coulisse.

Voix off- Ce n’est pas grave, on coupera au montage... Jocelyne, Marianne, les amis, nous allons faire une petite pause avant d’enregistrer la finale... Après ces petites émotions, nous l’avons bien méritée.

Noir

Le rideau s’ouvre sur un salon.

Entrée de Marianne et Gilles. Gilles porte une valise.

Marianne- (s’asseyant sur le canapé) Ouf ! Cela fait plaisir de revoir la maison. Je suis vannée.

Gilles- Cela ne m’étonne pas, ma chérie, depuis trois mois, tu as vraiment vécu une vie de dingue. Maintenant, tu vas pouvoir te reposer.

Marianne- Si on m’en laisse l’opportunité. Tu as bien vu, à notre retour dans le train... Tout le monde me reconnaissait et il a même fallu que je signe des autographes. Des autographes ! Te rends-tu compte ! N’importe quoi !

Gilles- Et alors ? Reconnais que c’était plutôt flatteur. Quand je repense à ton voisin dans le TGV. As-tu seulement vu comme il te regardait ? Médusé qu’il était...Il donnait l’impression d’avoir rencontré la vierge... A un moment, j’ai même cru qu’il allait se prosterner à tes pieds.

Marianne- Avec son regard complétement halluciné... Quand j’y repense... Je suis désolée, mais moi, ce genre de type, ça me fait flipper... Et toi, grand nigaud, ça te faisait rire.

Gilles- Ben oui !

Marianne- Et quand il a osé, en bafouillant, me demander mon adresse, tu aurais tout de même pu intervenir.

Gilles- Si je ne l’ai pas fait, c’est parce que j’ai estimé que tu étais assez grande pour te débrouiller toute seule, chose que tu as très bien fait d’ailleurs. Tu as vu, après que tu l’as rembarré, le pauvre garçon n’a pas osé insister.

Marianne- Ce qui n’a l’a pas empêché de continuer à me dévisager d’un air béat, de la même façon que tous ces gens qui me fixaient ou qui tenaient absolument à me féliciter, comme si j’avais accompli un super exploit

Gilles- Que veux-tu, c’est ce qui s’appelle la rançon de la gloire. On ne passe pas impunément à la télévision, tous les jours à midi, pendant trois mois, sans en connaitre les conséquences. T’en rends-tu seulement compte que tu as gagné 450 000 euros. Tu fais partie des dix meilleures gagnantes de « Tout le monde veut gagner du pognon » Ce n’est tout de même pas rien.

Marianne- Mais ce n’était qu’un jeu, un simple jeu télévisé... Je n’ai pas obtenu de prix Nobel, ni participé à l’amélioration du sort de l’humanité, alors crois-tu que cela justifie une telle reconnaissance ?

Gilles- Tous ces braves gens qui t’ont reconnue. Sais-tu qu’ils ont déjeuné en ta compagnie pendant près de quatre-vingt-dix jours. Ils t’ont encouragée, ils ont tremblé pour toi, ils se sont réjouis pour toi. Pendant trois mois, tu as fait partie de leur intimité et tu voudrais les priver d’un sourire, d’un mot gentil ? Je te trouve bien ingrate.

Marianne- Oui, tu as peut-être raison. Pardonne-moi, je dois être encore un peu sur les nerfs. Ce doit être toute cette tension accumulée.

Gilles- Mais oui, ma chérie mais maintenant, tout cela est fini. Tu vas pouvoir décompresser et te reposer.

Le téléphone sonne. Gilles va décrocher.

Gilles- Bonjour ! Oui, vous êtes bien chez Madame Leroux. C’est à quel sujet ? Vous avez appris que Madame Leroux a gagné 450 000 euros et vous voudriez qu’elle vous fasse un don... Pour vous aider à lutter contre l’extermination des escargots ? Victimes de l’industrie chimique ? (Faussement apitoyé) Oh ! Les pauvres petites bêtes ! C’est vrai qu’ils en bavent, ces petits escargots... Je compatis cher monsieur, je compatis... Figurez-vous que, moi-même, je ne vais pas très bien, je pense que je ne vais pas tarder à rentrer dans ma coquille alors je vais vous laisser. Au revoir Monsieur ! (Il raccroche.) Ouf ! Bon débarras !

Marianne- Gilles, crois-tu que nous risquions d’être importunés souvent par des spécimens comme celui-là ?

Gilles- C’est à craindre. On dit que l’argent n’a pas d’odeur mais je suis sûr qu’il y en a qui le reniflent de loin.

Entrée de Belle-maman.

Belle-Maman- Ah vous êtes là ! Il me semblait bien avoir entendu des conversations.

Gilles- Bonjour Maman. (Il lui fait trois bises.)

Marianne- Bonjour Belle-Maman. (Elle ne lui fait qu’une bise que Belle-Maman reçoit d’un air pincé.)

Belle-Maman- J’espère que vous avez déjeuné parce que je n’ai pas eu le temps de préparer quoique ce soit.

Marianne- Cela n’a rien de surprenant.

Belle-Maman- Plait-il ?

Marianne- Je dis simplement, Belle-Maman que, ce qui eut été surprenant, cela aurait été d’avoir un bon repas préparé par vos soins.

Gilles- Marianne, je t’en prie, ne commence pas.

Belle-Maman- Si vous croyez que je n’ai que cela à faire, ma bru, vous vous trompez. Pendant votre absence, il m’a fallu nourrir votre chat, arroser vos plantes, j’en passe et des meilleurs.

Gilles- Oui d’accord, c’est bien Maman, c’est très bien... Pour toutes tes bonnes actions, tu auras droit à ma reconnaissance éternelle, ça te va comme cela ?

Belle-Maman- Il n’empêche. Tu n’étais tout de même pas obligé d’aller passer quatre jours à Paris. Ton épouse qui t’a fait faux bond pendant des semaines pouvait certainement se débrouiller sans ton aide. N’est-ce pas, ma bru ?

Marianne- Mais certainement Belle-Maman.

Gilles- Je n’en doute pas mais c’est moi qui souhaitais assister à la remise de ses récompenses. Déjà qu’à cause de mon boulot, je n’ai pas pu être à ses côtés autant que je l’aurais voulu, j’aurais vraiment regretté de ne pas être là, le jour où le quart du pays lui faisait ses adieux. As-tu seulement regardé la dernière émission ?

Belle-Maman- Ni la dernière, ni la première. Tu sais bien que je n’ai guère le temps de regarder la télévision... Et encore moins de regarder des stupidités.

Gilles- Sache ma chère Maman que « Tout le monde veut gagner du pognon » est certes une émission de divertissement mais c’est aussi un jeu où la culture générale a toute sa place et il faut être sacrément cultivé pour espérer gagner. Tu aurais vu Marianne, jours après jours. Elle a surmonté toutes les épreuves. Elle était épatante.

Belle-Maman- Epatante ? Cela ne m’étonne pas. Dès qu’il s’agit de vouloir épater, elle est toujours partante.

Marianne- à Gilles- Chéri, je crois qu’il va être temps de raccompagner Belle-Maman chez elle. Nous nous en voudrions de la retenir plus longtemps.

Gilles- Oui, bien-sûr !

Belle-Maman- Ah ! Au fait, j’ai oublié de vous le dire. J’ai les plombiers chez moi. Une grosse fuite d’eau. Ils ont commencé à casser les canalisations. Il y en a pour plusieurs jours.

Gilles- Mais alors...

Belle-Maman- Alors quoi ?

Gilles- Que comptes-tu faire ?

Belle-Maman- Ce que je compte faire ? Mais rester ici, mon garçon. Tu ne voudrais tout de même pas que j’aille à l’hôtel.

Marianne- Si ! Très bonne idée, l’hôtel. Belle-Maman, je vous paie la meilleure chambre dans le plus bel hôtel de la région. Vous verrez, ce sera une expérience fantastique. Une suite avec jacuzzi, ça vous dit ?

Belle- Maman- Il n’est pas question que vous commenciez à gaspiller l’argent du ménage.

Marianne- Je vous assure que cela me ferait plaisir. Je viens de remporter 450 000 euros. Je peux bien vous offrir une chambre d’hôtel.

Belle-Maman- Il n’en est pas question. Je n’ai pas du tout envie d’aller à l’hôtel, et pourquoi pas en Ehpad pendant que vous y êtes ? Enfin Gilles ! Dis quelque chose !

Gilles- Maman, tu sais bien que nous n’allons pas te forcer à aller là où tu ne veux pas aller. La proposition de Marianne était tout à fait séduisante mais si tu veux rester ici, il n’y a aucun souci, n’est-ce pas Marianne ?

Marianne ne dit rien, boudeuse.

Belle-Maman- 450 000 euros ? Ils ne savent pas quoi faire de leur fric à la télévision. 450 000 euros pour répondre à des questions idiotes ? J’espère au moins qu’ils ne vous ont pas payé avec l’argent de nos impôts.

Gilles- Rassure-toi Maman, ce n’est pas toi qui paies.

Belle-Maman- Encore heureux !

Marianne- Si vous pensez que c’est de l’argent facilement gagné, je ne comprends pas ce qui a bien pu vous empêcher de vous inscrire aux sélections. Vous n’aviez qu’à y aller, Belle-Maman.

Belle- Maman- Bien sûr que j’aurais pu y aller mais aller me faire suer dans les embouteillages ? Très peu pour moi !

On sonne à la porte. Gilles va ouvrir. Entrée de Caroline.

Gilles- Caroline ! Quelle bonne surprise ! Entre !

Caroline- Salut toi ! (Elle l’embrasse.)

Gilles- Je ne crois pas que tu connaisses ma mère.

Caroline- (À Belle-Maman) Bonjour Madame, enchantée... Moi, c’est Caroline. Je suis une amie de Marianne. Salut ma biche ! Tu sais que je voulais être la première à te féliciter. Tu as été Gé-ni-ale !

Marianne- Tu es mignonne. Tu es là pour longtemps ?

Caroline- Jusqu’à ce que tu me mettes à la porte. J’ai apporté du champ’. Tu penses bien qu’on va fêter ça. Comment que tu les as ratatinés tous les candidats. Pourtant il y en avait qui étaient balèzes mais toi, t’étais la meilleure et puis, ce n’est pas parce que t’es ma copine mais faut reconnaitre que tu passais vachement bien à l’écran, toujours bien mise et aimable avec tout le monde, finalement, comme dans la vraie vie.

(À Belle-Maman) C’est vrai qu’elle n’a pas à se forcer pour paraitre sympathique, n’est-ce pas ?

Belle-Maman- Si vous le dites.

Caroline- Vous en avez de la chance Madame Leroux d’avoir une belle-fille comme ça. Sympathique ET intelligente.

Belle-Maman- Vous trouvez ? Il ne faut tout de même pas exagérer.

Caroline- Ah ben si ! Vous avez vu tout ce qu’elle connaissait. Tous les autres candidats étaient bluffés. Elle en a écœuré plus d’un et sur tous les sujets, Histoire, Géographie, cinéma, littérature... Vous l’avez vue.

Belle-Maman- Non, je ne regarde pas la télévision.

Caroline- Ah bon ? Votre belle-fille passe à la télévision pendant trois mois devant des millions de téléspectateurs et vous ne regardez pas.

Belle-Maman- Et bien non.

Caroline- Et ben, je peux vous dire que vous avez raté quelque chose... Vous auriez vu comme elle a été brillante.

Belle-Maman- Ce n’est pas bien compliqué, il suffit d’avoir une bonne mémoire.

Caroline- T’as qu’à croire ! Ce n’est pas aussi simple que ça. Tenez... Vous la connaissez, vous, la capitale de l’Ouzbékistan ? Moi, c’est bien simple, je ne savais même pas que ça existait un pays avec un nom comme ça. Et encore maintenant, je ne saurais toujours pas vous dire où ça se trouve.

Gilles- Vas-y ma chérie ! Eclaire nous.

Marianne- Demande à ta mère. Elle meurt d’envie de nous donner la réponse.

Belle-Maman- C’est vous la vedette, ce n’est pas moi ; alors allez-y, répondez à Madame.

Marianne- L’Ouzbékistan est entouré par le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan...

Caroline- Stop ! Stop ! N’en jetez plus ! Non ? Sérieusement... Ils existent tous ces pays-là ?

Marianne- Bien sûr !

Caroline- à Belle-Maman- Vous le saviez, vous ?

Belle-Maman- Evidement !

Caroline- Le truc qui se tend et le machin qui se tend, vous connaissiez ?

Belle-Maman- Puisque je vous le dis.

Caroline- Ben alors, dites-moi le nom de la capitale.

Belle-Maman- A quoi bon vous le dire, vous ne savez même pas où se trouve le pays.

Caroline- Moi je crois plutôt que vous ne connaissez pas la réponse. Vous savez, il n’y a pas de honte à ne pas savoir. Moi, quand je ne connais pas, je le dis. Vous devriez faire comme moi.

Belle-Maman- Si vous croyez que je suis du genre à étaler ma science devant n’importe qui. Je ne suis pas comme certaine, moi.

Caroline- Moi, je crois surtout que vous êtes jalouse de votre belle-fille qui en connait certainement plus que vous.

Belle-Maman- Dites donc ! Je ne vous permets pas ! (À Gilles) Et toi, tu laisses faire et tu ne dis rien. Sa mère se fait dénigrer sous son toit et Monsieur trouve cela normal.

Gilles- Maman, personne ne t’a dénigré et c’est vrai que tu pourrais peut-être t’extasier un peu plus devant la performance de Marianne.

Belle-Maman- S’il faut commencer à flatter les gens dans cette maison, je préfère me retirer dans ma chambre. (À Gilles) Et toi, tu n’es qu’un faible.

Elle sort.

Caroline- Dites-donc ! Pas très commode la belle-mère. Je n’avais pas le plaisir de la connaitre mais ce n’est pas tous les jours qu’on en rencontre des comme ça.

Marianne- Ce n’est pas nouveau, cela doit faire une vingtaine d’années, en fait depuis que je l’ai dépossédée de son fils unique chéri, elle m’en a voulu et elle m’en veut encore.

Gilles- Il faut lui pardonner. Tu sais, elle n’est plus très jeune. A son âge, c’est difficile de changer.

Caroline- Il n’empêche, ce n’est pas une raison pour qu’elle vous piétine ainsi. Je ne sais pas comment vous faites pour rester aussi calme, moi je ne pourrais pas.

Marianne- Ne t’inquiète pas pour Gilles. Depuis le temps qu’il reçoit des piques, j’ai l’impression qu’il est blindé.

Gilles- Et oui ! Comme dit Marianne, je suis blindé et je porte bien mon nom. Tu le sais, je me prénomme Gilles et c’est bien connu : Gilles est pare-balle.

Marianne- En attendant, encore une fois, ta chère mère a réussi à me mettre de mauvaise humeur. J’espère seulement qu’elle ne va pas se taper l’incruste trop longtemps. (À Caroline) Heureusement que tu es là, ma Caro. Avec toi, la pilule sera moins dure à avaler.

Caroline- Je ne comprends pas bien... Si ta belle-mère ne peut pas te saquer, pourquoi s’obstine-t-elle à venir te voir ?

Marianne- Probablement pour avoir le plaisir de me pourrir la vie et pour continuer à persuader son fils chéri qu’il a vraiment fait le mauvais choix, le jour où il a souhaité m’épouser.

Caroline- Quand j’entends ça, je me dis que j’ai bien fait de rester célibataire.

Marianne- Que veux-tu, on ne choisit pas sa famille, n’est-ce pas mon chéri.

Gilles- Je préfère m’abstenir de tout commentaire.

On sonne à la porte.

Marianne- à Gilles- Va montrer, à Caroline, la chambre d’amis. Je m’en occupe.

Tandis que Gilles sort avec Caroline, côté jardin, Marianne se dirige côté cour pour aller ouvrir.

Entrée de Willy.

Marianne- Qu’est-ce que vous faites là ? C’est vous qui étiez dans le train à côté de moi ! Comment avez-vous eu mon adresse ? Vous m’avez suivi ?

Willy- Oui Marianne, pendant le voyage, la perspective de devoir vous parler m’a rendu muet mais lorsque vous êtes arrivée à destination, je me suis dit qu’il me fallait à tout prix vous aborder, alors je vous ai suivi.

Marianne- Enfin Monsieur ! On ne suit pas les gens comme cela ! C’est inconvenant... Déjà que, dans le train, vous me dévoriez du regard.

Willy- Ce n’est pas de ma faute... Si je vous dévorais, c’est parce que je vous trouvais appétissante.

Marianne- Ne m’approchez pas !

Willy- Je plaisantais. Soyez sans crainte, je ne suis pas cannibale... Je m’appelle Willy... Je ne suis pas venu pour vous faire du mal, au contraire, je ne vous veux que du bien. Je cherche simplement à vous connaitre un peu plus.

Marianne- Et bien, pas moi ! Sortez Monsieur ! Vous n’avez rien à faire chez moi.

Willy- Marianne, calmez-vous et laissez-moi m’expliquer. Dès que je vous ai vu à la télévision, j’ai tout de suite été subjugué par votre charme, j’ai adoré votre manière d’être... Ce mélange de timidité et de détermination... Je me suis dit : Cette femme est l’incarnation de la femme idéale... De l’intelligence dans un si bel écrin... Ah ! Madame ! Quel bonheur d’être ici ! Laissez-moi vous baiser la main. (Il met un genou à terre, lui prend la main qu’elle retire aussitôt, déséquilibré, il tombe par terre.)

Marianne- Mais ça ne va pas ! Vous êtes complétement fou !

Willy- Avançant à genoux tandis qu’elle recule- Oui, je suis fou, vous avez raison, complétement fou de vous. Vous ne pouvez imaginer le choc que j’ai pu avoir lorsque, dans le train, vous vous êtes assise à côté de moi ... Je vous admirais à travers mon écran et soudainement vous êtes apparue dans ma réalité comme par miracle. J’y ai vu tout de suite un signe du destin, comme le disait Eluard, : « Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous ». Ma chère Marianne, il faut vous rendre à l’évidence ; la vie nous a donné rendez-vous dans ce wagon et nous a mis sur de bons rails afin de nous guider vers le bonheur.

Marianne- Mais Monsieur...

Willy- Ne dites rien, vous risqueriez de gâcher l’instant... Désormais, si vous le souhaitez, apprenons à nous connaitre et je suis persuadé que très bientôt, vous serez mon violon, je serai votre archet, vous serez ma Juliette, je serai votre Roméo.

Marianne- Enfin Monsieur ! Tout ceci est insensé, d’abord vous ne me connaissez pas et puis, vous avez bien vu que j’étais mariée.

Willy- Se relevant- Bien sûr que je vous connais, je vous ai observé pendant plus de quatre-vingt-dix jours, je connais la moindre de vos réactions, j’ai eu largement le temps d’apprécier toutes vos qualités et vous savez comme elles sont multiples, quant à votre mari, vous voulez parler de ce pauvre benêt qui vous accompagnait ? Quel triste sire ! Vous n’allez pas continuer à vous étioler en si pitoyable compagnie... Non mais ! Vous l’avez vu ? Devant l’avalanche de compliments que vous receviez, il ne savait que ricaner bêtement sans mesurer la chance qu’il avait de vous côtoyer... Non Marianne, vous méritez mieux, beaucoup mieux. Lorsque vous serez avec moi, vous serez traitée comme une princesse.

Marianne- Ben voyons ! Vous, vous ne manquez pas d’air.

Willy- Avec vous, jamais ! Tant que je peux vous respirer, je m’oxygène, mais loin de vous, je risque de m’asphyxier... Mais oui ! Je vous le dis, nous sommes comme les chats et les tigres, nous sommes félins pour l’autre.

Marianne- Comment cela comme des chats et des tigres ?

Willy- Je viens de vous le dire, ils sont félins, comme nous ... félins pour l’autre.

Entrée de Gilles, suivit de Caroline.

Gilles- Ah ! Je vois que nous avons de la visite.

Marianne- à Willy- Et bien, vous allez pouvoir expliquer tout cela à mon gros matou parce que, figurez-vous que lui aussi peut être félin surtout quand il sort ses griffes, n’est-ce pas mon minet.

Gilles- à Willy- Mais je vous reconnais, vous... Vous étiez dans le train à côté de nous. Qu’est-ce que vous voulez ?

Willy- Je préfère m’en aller avant que minet râle... (à Marianne) Mais nous nous reverrons, réfléchissez Marianne, prenez votre temps, je reviendrai.

Marianne- C’est tout réfléchi et surtout ne vous donnez pas la peine de revenir, adieu Monsieur !

Willy sort.

Caroline- Qui c’est ce type ?

Gilles- C’est bien le gars qui te regardait pendant le voyage avec des yeux énamourés ?

Caroline- Wahou ! Tu es devenue une vraie star ! Qu’est-ce qu’il voulait ? Une photo dédicacée ?

Marianne- Bien plus que cela ! Figure-toi qu’il est venu me voir pour m’inviter à vivre avec lui.

Gilles- Ah oui ? Carrément !

Caroline- Comment cela ? Explique-toi.

Marianne- Il a été soi-disant ébloui par mes passages à la télé et donc il est persuadé que je suis la compagne idéale pour partager sa vie.

Caroline- Remarque, il est pas mal comme garçon... En tous cas pas plus mal que d’autres.

Gilles- C’est pour moi que tu dis ça ? Merci, c’est agréable.

Caroline- Ne te vexe pas, mon Gillou, tout le monde sait que c’est toi le plus beau.

Marianne- Le plus beau, je ne sais pas mais d’après Willy, oui, j’ai oublié de vous le dire, ce monsieur s’appelle Willy et donc, (À Gilles) d’après lui et ce qu’il a observé pendant notre trajet, tu ne saurais que ricaner et je m’étiolerais auprès de toi.

Gilles- Ah bon ? Tu t’étioles ?

Marianne- Oui, il t’a trouvé benêt et s’est montré chagriné de me voir vivre en si pitoyable compagnie.

Gilles- Super ! Bravo pour les compliments. Ça fait toujours plaisir.

Caroline- Ben dis-donc ! Te voilà habillé pour l’hiver, il t’a taillé un sacré costard, le Willy.

Gilles- En tous cas, qu’il ne s’avise pas de revenir parce que là, il verra de quoi le benêt est capable.

Caroline- Moqueuse, elle chantonne sur un air de comptine- Oh la la ! Gillou le Jaloux ! Jaloux le Gillou !

Gilles- Jaloux moi ? Pas du tout... N’importe quoi !

Le téléphone sonne. Gilles va répondre.

Gilles- Allo ! Oui, c’est bien ici... Vous êtes ? le père Icoloso-sporgersi, le curé de notre paroisse... Oui... Prestation télévisée tout à fait remarquable... D’accord... Comment ? Parfois des bienfaits prodigués méritent d’être partagés et les bergers se doivent d’accueillir leur troupeau dans de bonnes conditions ? Ecoutez, nous n’allons pas tourner cent sept ans autour du bénitier. Si vous nous disiez ce que vous souhaitez réellement ? Comment ? Les voies du Seigneur sont parfois impénétrables mais la toiture de son église est beaucoup moins étanche et mériterait une réfection.... Si Madame Leroux souhaitait faire un geste en direction de la paroisse, de nombreux fidèles lui en seraient infiniment reconnaissants... Ecoutez, je vais transmettre... Sans plus tarder, je vais lui parler de toit... Mais non, je ne vous tutoie pas... Je dis que je vais lui parler de vous mais si je lui parle de vous, c’est parce que vous m’avez parlé de toit... vous me suivez ?

Pendant ce temps, Marianne fait de grand geste d’acquiescement. Elle fait le geste de signer un chèque.

Gilles- Ah... Ecoutez, il semblerait que Madame Leroux soit d’accord pour faire un geste... Mille euros, ça vous convient ? Comment ? Si elle pouvait rajouter un zéro ? Comme vous y allez ! Faites attention au péché de gourmandise, Monsieur le curé.

Caroline- à Marianne – Un zéro de plus ? Mais ça fait 10 000 euros ! Tu ne vas quand même pas faire un chèque de 10 000 euros !

Gilles- Je sais bien que tout augmente mais là, vous ne trouvez pas que votre ardoise est un peu trop salée, vraiment dur à avaler... C’est tellement salé que c’est un coup à faire une crise de foie, vous ne trouvez pas, Monsieur le curé ? Qu’est-ce que vous dites ? Dieu reconnaitra les siens ? J’espère qu’il reconnaitra aussi le couvreur et ses fournisseurs. Vous devriez leur en parler. Allez, au revoir Monsieur le curé.

Il a, à peine le temps de raccrocher qu’on sonne à la porte. Marianne va l’ouvrir pour laisser passer Jo et Zette. Toutes deux portent des gros cartons.

Jo- Madame Leroux, c’est bien là ? Permettez...Service de livraison ! Bougez pas ! (sans attendre, elle entre et pose son carton au milieu de la pièce puis s’affale dans le canapé.) C’est aussi lourd qu’un âne mort, ce truc-là ! Ce n’est vraiment plus de mon âge de faire ce métier-là.

Zette qui était restée sur le seuil, avance à son tour. Elle porte un immense carton qui lui cache la vue.

Zette- Jo ? C’est par-là ?

Après avoir fait un tour sur elle-même, emportée par le poids du carton, elle avance jusqu’en devant de scène et fait bouger son carton qui tangue vers les spectateurs du premier rang.

Zette- C’est bon ? Je peux tout lâcher ?

Jo- Non ! Attends !

Elle se lève précipitamment du canapé pour aller aider Zette. Elles posent le carton qui semble très lourd près du premier carton puis vont s’asseoir dans le canapé.

Zette- Ouf ! A faire des grimpettes comme ça, on va finir par claquer. Je suis morte !

Jo- On ne nous avait pas dit qu’il y avait trois étages sans ascenseur. Dites, faudrait peut-être penser à déménager sinon vous n’allez pas faire de vieux os, c’est moi qui vous le dis.

Zette- Et nous non plus, si on continue à faire ce boulot-là.

Jo- Que veux-tu, ma petite Zette, il faut bien gagner sa croûte. Parce que dans la vie, on ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraiche, pas vrai Messieurs dames ? Tiens, en parlant d’eau fraiche, je boirais bien un coup moi, pas toi

Zette ? Zette- Bien sûr, Jo. Si ces Messieurs dames veulent bien nous offrir à boire, ce sera avec plaisir.

Gilles- Ben voyons ! Installez-vous ! Faites comme chez vous !

Caroline- Tranquille Mimille ! Depuis que je suis arrivée, j’ai l’impression que chez vous, c’est carrément l’hôtel des courants d’air... Moi, je ne sais pas si j’apprécierais.

Jo- Holà ! Doucement ma petite dame ! Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, nous, on bosse, pas vrai Zette ?

Zette- Comme des chameaux, on bosse, ça, pour bosser, on bosse.

Jo- Et qu’est-ce qu’on fait aux chameaux quand ils ont fini de bosser ?

Zette- On leur donne à boire, sinon ce ne serait pas humain. Jo

- Tu penses qu’ici, on ne serait pas humain ?

Zette- Va-t’en savoir... Tu sais, j’ai connu des gens qui étaient plus chameaux que des chameaux.

Jo- Et qui t’auraient laissé crever de soif ? Non Zette, ici, ce n’est pas possible, je vois bien que cette dame n’est pas comme ça.

Marianne- Non, bien sûr... Que voulez-vous boire ? De l’eau, un jus d’orange, un coca ? Je peux aller vous chercher ça.

Jo- Pas la peine de vous déranger, (prenant la bouteille de champagne que Caroline avait déposé en arrivant) On va prendre ça, des bulles, ça fera l’affaire.

Caroline- Mais c’est ma bouteille de champagne ! Ah ben quand même !

Jo qui a sorti deux gobelets en plastique de sa poche, s’est empressée d’ouvrir la bouteille et de servir.

Jo- Ben quoi ? C’est quoi le problème ? Si vous ne vouliez pas qu’on la boive, votre bouteille, fallait pas la laisser là, pas vrai Zette ?

Zette- C’est comme tu dis, Jo, fallait pas la laisser là.

Caroline- Une grande cuvée dans des gobelets en plastique ! J’espère au moins que vous saurez l’apprécier. Maintenant qu’elle est ouverte, nous pourrions peut-être accompagner ces dames.

Gilles- Je vais chercher des flutes... Vous en voulez, Mesdames ou vous gardez vos gobelets.

Jo- Pas la peine. On ne va pas commencer à faire du chi-chi, pas vrai Zette ?

Zette- C’est vrai, on ne va pas commencer à faire du chi-chi. Jo- On ne vous attend pas pour trinquer parce qu’après l’effort, il fait soif.

Zette- Oh oui, il fait soif.

Elles boivent cul sec.

Jo- Pas mauvais ! Ça ne vaut pas un bon coup de cidre, mais ce n’est pas mauvais... Au fait, on ne s’est pas présentées. Moi, c’est Jo.

Zette- Moi, c’est Zette.

Jo- Entreprise Jo et Zette, livraison assurée en toute sécurité. Comme dit notre slogan : « Avec Jo et Zette, il n’y a jamais d’boulette. » (À Marianne) Dites voir... Votre tête me dit quelque chose... Vous ne seriez pas passée à la télé ?

Marianne- Si, effectivement. Jo- J’ai dû vous voir dans une pub. La pub sur les fuites urinaires, c’était vous ? « Quand vous faites votre jogging avec « Toujours au sec » ne soyez plus une fugitive. Courez mais ne fuyez plus»

Marianne- Ah non, désolée, ce n’était pas moi.

Jo- Ou alors c’était pour le truc contre la constipation ou la pub pour le monte-escalier... Vous n’avez pas remarqué, quand on voit la pub qu’ils nous balancent, on a l’impression que, le midi, il n’y a que des grabataires qui regardent la télé.

Zette- Non... Moi, je sais où on vous a vue. Ce n’est pas pendant les pubs, c’est après la pub. Vous vous appelez Marianne, c’est bien ça ?

Marianne- Tout à fait.

Zette- C’est Marianne, Jo... Tu sais bien, la Marianne du jeu, le midi.

Jo- Non ! La Marianne de « Tout le monde veut gagner du pognon » c’est vous ?

Caroline- Ben oui, c’est elle.

Jo- Alors là ! Ça m’en bouche un coin ! Une nouvelle comme celle-là, ça s’arrose.

Zette- Tu m’étonnes John, bien sûr que ça s’arrose. (Jo reprend la bouteille, se re-sert et re-sert Zette.)

Jo- Ce qui explique notre livraison. (Désignant les cartons.) Le robot multi-fonction et le four micro-onde nouvelle génération, ce sont des lots que vous avez gagnés.

Zette- Sans compter la semaine à Courchevel, le séjour tout compris dans un hôtel cinq étoiles aux Antilles, et surtout le maudit paquet de pognon que ça vous a rapporté.

Jo- Alors là, chapeau ! Pas vrai Zette ? Qu’est-ce que tu dirais, toi ?

Zette- Moi aussi, je dis chapeau.

Gilles- Bon, Mesdames, ce n’est pas le tout, vous êtes bien sympathiques mais vous comprendrez qu’on ne peut pas vous garder plus longtemps.

Jo- Pour une fois qu’on rencontre quelqu’un qui est passé à la télé. On peut bien s’attarder un petit peu.

Zette- C’est vrai ça, il n’y a pas le feu au lac. Dites... Vous pourriez me signer un autographe ?

Marianne- Ecoutez, je n’en vois pas l’intérêt, je ne suis pas une célébrité. J’ai déjà été remplacée dans le jeu et dans deux semaines, soyez persuadées que tout le monde m’aura oublié.

Zette- Ah non, pas moi... Je ne vous oublierai pas.

Jo- Moi non plus, je ne vous oublierai pas... Surtout si vous ouvrez une deuxième bouteille, parce que ce n’est pas tous les jours qu’on tombe sur des clients qui nous paient un verre.

Gilles- Ça suffit ! Allez, Mesdames ! Je ne voudrais pas vous presser mais maintenant, il faut y aller.

Jo- Laissez-nous, au moins finir notre bolée... A nous forcer à boire aussi vite, c’est des coups à avaler de travers.

Zette- Ou à avoir le hoquet.

Elles finissent leur gobelet, se lèvent tandis que Gilles les pousse fermement vers la sortie.

Jo- Et notre pourboire ? Vous oubliez notre pourboire.

Gilles- Pourboire ? Vous l’avez déjà bu.

Après les avoir fait sortir, Gilles referme la porte.

Gilles- Ouf ! De l’air ! Gentilles les filles mais un peu pénibles.

Marianne- J’ai bien cru qu’elles allaient faire comme ta mère, qu’elles allaient nous demander de coucher là.

Caroline- Et si nous jetions un œil sur ces cadeaux ? Ouvrons vite ! Je ne sais pas vous, mais moi j’adore déballer.

Gilles- Nous allons porter tout cela en cuisine. (Il se baisse pour prendre un carton.) Venez les filles !

Marianne et Caroline prennent le deuxième carton. Tous rentrent dans la cuisine. Le téléphone sonne. Au bout d’un certain temps, venant des chambres, entrée de Belle-Maman.

Belle-Maman- Y a-t-il donc personne pour répondre dans cette maison ? Il faut tout faire ici. (Elle décroche.) Allo ! C’est pourquoi ? Madame Leroux ? Oui, c’est moi. Qu’est-ce que vous lui voulez à Madame Leroux ? Vous êtes le Maire ? Et alors ? Qu’est-ce qu’il veut le maire ? Quoi ? Vous voulez que je fasse un geste en faveur de la commune. Un geste ? Quel geste ? Non mais ! Vous croyez que c’est l’armée du salut, ici ? Le curé a reçu de ma part un don pas négligeable ? Ecoutez, je n’ai rien donné au curé et Il n’est pas question que je vous donne quoi que ce soit... Dites donc ! Est-ce que vous m’avez fait cadeau, une seule fois de ma taxe foncière ? Non ? Bon alors ? Pourquoi voulez-vous que je vous fasse un cadeau ? Allez ! Ça suffit ! Maintenant fichez-moi la paix ! Elle raccroche.

A ce moment, la sonnette de la porte d’entrée se fait entendre.

Belle-Maman- Mais, ce n’est pas vrai !

Après avoir laissé sonner, finalement, elle va ouvrir. Willy s’engouffre dans la pièce. Il tient une boite de chocolats.

Belle-Maman- Ce n’est pas un peu fini de sonner comme un malade ! Vous voulez nous rendre sourd ?

Willy- Où est-elle ? Je veux lui parler.

Belle-Maman- Qu’est-ce que vous dites ? A qui voulez-vous parler ?

Willy- Je veux parler à Marianne et puis (montrant la boite) lui donner ceci... Ce sont des chocolats... Où est-elle ?

Belle-Maman- Est-ce que je sais... Et puis d’abord, qu’est-ce que vous lui voulez ?

Willy- Ce que je veux ? Je veux lui proposer de venir habiter dans mon cœur, je veux lui dire que le temps est venu pour elle de partager une grande et belle aventure sentimentale avec quelqu’un qui reconnaitra enfin son intelligence, son élégance et son talent, je veux lui dire qu’elle ne peut continuer à brader son existence en compagnie d’un conjoint insignifiant, aussi charismatique qu’une chipolata ...

Belle-Maman- Ah bon ? Une chipolata ? A ce point-là ?

Willy- Ce pauvre homme, Je ne le connais pas, mais le peu que j’en ai vu, dans le train m’a suffi pour me faire une opinion... Je ne sais pas si vous le connaissez, mais avouez qu’il n’a pas l’air vraiment très fute-fute, le mari.

Belle-Maman- Ce n’est pas faux... C’est vrai qu’il y a des jours...

Willy- Au fait, je ne me suis pas encore présenté : Moi, c’est Willy, et vous-même, vous êtes ?

Belle-Maman- Moi, je suis la mère de la chipolata.

Willy- Ah... Vous êtes la mère de...

Belle-Maman- Et, si j’ai bien compris, vous aimeriez prendre la place de la chipolata ?

Willy- Oui, je comprends que mon souhait puisse paraitre, à première vue, un peu incongru mais si Marianne prend le temps de m’écouter, si elle daigne s’intéresser un tout petit peu à moi, je suis persuadé que je saurais la convaincre.

Belle-Maman- Si seulement vous disiez vrai ! J’en ai toujours voulu à ma belle-fille d’avoir mis le grappin sur mon imbécile de fils, depuis ce jour-là, il n’y a qu’elle qui compte, il ne s’intéresse même plus à sa pauvre vieille maman, alors si vous pouviez nous en débarrasser, ce n’est pas moi qui m’y opposerais.

Willy- Pensez-vous que je puisse la voir ?

Belle-Maman- Pour le moment, non... Mais donnez-moi ces chocolats et repassez plus tard... Ramenez aussi des macarons, elle adore ça.

Willy- Bon, ben je retourne chez le confiseur et je reviens, à plus tard !

Belle-Maman- Et des pâtes de fruits... Rapportez aussi des pâtes de fruits, c’est bon les pâtes de fruits. Il sort.

A peine est-il sorti que Belle-Maman s’empresse d’ouvrir la boite de chocolats et commence à se servir. Entrée de Gilles, Marianne et Caroline.

Gilles- Oh ! Des chocolats ! Ils ont l’air bons. Tu veux bien nous en donner ?

Belle-Maman- Certainement pas ! Ce sont mes chocolats.

Gilles- Tu t’achètes des chocolats maintenant ?

Belle-Maman- Pourquoi ? Je n’ai pas le droit ?

Gilles- Tu pourrais peut-être partager.

Belle-Maman- Et vous ? Vous pensez les partager avec moi vos 450000 euros ? Non ? Ben alors, j’ai bien le droit de garder mes chocolats ... Ah, au fait, le Maire a appelé, il voulait vous racketter, soi-disant que vous aviez fait un don au curé et il voulait la même chose... Comment que je l’ai envoyé promener !

Marianne- Oh non ! Vous n’avez pas fait cela ! Décidément vous n’en ratez pas une ! Ce n’est pas grave, je le rappellerai.

Caroline- A lui aussi tu vas refiler 10 000 euros ? Ben dis donc ma vieille, aujourd’hui, tu as gagné ta journée.

Marianne- Si c’est le prix à payer pour ne pas passer pour une grosse radine auprès des habitants de cette bourgade, crois-moi, ce n’est pas cher, en plus, si ceci peut contribuer à soulager les dépenses publiques, je le fais de bon cœur.

Belle-Maman- Voilà qu’elle se prend pour l’abbé Pierre, à présent ! Mon pauvre Gilles, ce n’est pas une femme que tu as, c’est un pigeon.

Gilles- Maman, je t’en prie ! Ne commence pas !

Marianne- Laisse mon chéri. Tu le sais bien, ta pauvre maman commence à être âgée et n’a pas toujours un juste discernement.

Belle-Maman- à Gilles- Ta mère se fait traiter de dérangée et encore une fois, tu ne dis rien. Mon pauvre fils, tu es décevant.

Gilles- Elle n’a pas dit cela. As-tu seulement entendu la manière dont tu l’as traitée ? De pigeon ! N’importe quoi !

Caroline- Quand on traite les gens de pigeon, il ne faut pas s’étonner de se faire voler dans les plumes.

Belle-Maman- De quoi je me mêle ? Vous, on ne vous a pas sonné.

Caroline- Ça tombe bien parce quand on me sonne, je ne viens pas.

Marianne- Belle-Maman, rassurez-moi... Vous n’allez pas tout de même pas être désagréable pendant tout votre séjour ?

Belle-Maman- Allons bon ! Ça va encore être de ma faute.

Caroline- Evidement ! Et le pire, c’est que vous n’avez pas l’air de vous en rendre compte !

Marianne- Laisse Caro, retournons plutôt en cuisine continuer à déballer les cadeaux.

Caroline- Tu as raison, au moins ça me calmera les nerfs.

Elles sortent vers la cuisine.

Belle-Maman- Ta femme fréquente vraiment n’importe qui.

Gilles- Maman ! Pourquoi faut-il que tu cherches toujours les conflits ?

Belle-Maman- Alors ça y est ? Toi aussi, tu t’y mets ? Quand je pense que je t’ai nourri et torché... Tu as vraiment la mémoire courte.

Elle sort.

Gilles- Et moi qui pensais qu’aujourd’hui allait être un jour de fête, c’est gagné. Il va pour se re-servir un peu de champagne, constate que la bouteille est vide, dépité, il la repose.

On sonne à la porte.

Gilles- Qu’est-ce que c’est ? Encore un emmerdeur ?

Il ouvre pour laisser passer Jean-Pascal Morier.

Jean-Pascal- Bonjour, je souhaiterai m’entretenir avec Madame Leroux.

Gilles- Laquelle souhaitez-vous voir ? La mère ou l’épouse de Monsieur Leroux ? Parce que, voyez-vous, ici, il est important de préciser.

Jean-Pascal- Je souhaite m’entretenir avec la personne qui a participé à « Tout le monde veut gagner du pognon ».

Gilles- Oui ? C’est pourquoi ? Et d’abord, vous êtes qui ?

Jean-Pascal- Jean-Pascal Morier... Et vous-même ?

Gilles- Gilles Leroux... Je suis le conjoint de l’heureuse championne... Alors ? Dites-moi tout. Vous souhaitez refaire votre terrain de boules ? Acheter des maillots pour votre club de foot ? Organiser un goûter pour le club du troisième âge ? Je vous écoute.

Jean-Pascal- Si vous alliez chercher Madame Leroux, cela m’éviterait de me répéter. J’ai horreur de me répéter.

Gilles- Ecoutez Monsieur, vous êtes bien gentil mais figurez-vous que ce matin, vous n’êtes pas le premier à venir sonner à cette porte et pour vous le dire franchement, toutes ces allées et venues commencent un tantinet à m’agacer ; alors, soit vous me dites clairement ce que vous voulez, soit je vous demanderai de bien vouloir prendre la porte.

Jean-Pascal- Je ne peux pas vous expliquer, vous ne comprendriez pas.

Gilles- Pourquoi ? Parce qu’en plus, vous pensez peut-être que je suis trop con pour comprendre ?

Jean-Pascal- Pas du tout mais vous ne pouvez pas comprendre parce que vous n’étiez pas dans la situation alors que votre femme, elle l’était.

Gilles- Soyez plus clair, voulez-vous, parce que là, je ne saisis absolument rien.

Jean-Pascal- C’est très simple. J’étais moi-même participant à « Tout le monde veut gagner du pognon » et j’ai été éliminé d’une manière insidieuse et déloyale par Marianne.

Gilles- Comment cela ? Expliquez-vous ?

Jean-Pascal- Dans les épreuves de sélection, nous étions deux candidats à avoir répondu à toutes les questions et comme nous étions à égalité, l’animateur a demandé à Marianne de choisir arbitrairement un seul finaliste et elle ne m’a pas choisi alors que j’avais réalisé un sans-faute.

Gilles- Mon cher, comme vous le savez, ce n’est pas Marianne qui a fixé les règles du jeu. Si vous avez des réclamations à faire, adressez-vous à la production.

Jean-Pascal- Bien évidemment que j’ai protesté, mais ils n’ont rien voulu savoir, c’est pourquoi, j’ai eu l’idée de venir voir votre femme.

Gilles- Et qu’est-ce que vous attendez exactement ?

Jean-Pascal- Ce que j’attends ? C’est de pouvoir affronter Marianne loyalement et que l’on fasse la finale qu’on m’a injustement volé. J’ai ici, dans cette mallette des centaines de cartes de différents quiz, nous pouvons donc aisément nous affronter sans tricherie.

Gilles- Ben voyons ! Et vous voudriez peut-être qu’on fasse venir l’animateur et les caméras ici, pour refaire l’émission ?

Jean-Pascal- Non, les caméras ne sont pas nécessaires, je ne fais pas cela pour la gloire. Je veux simplement démontrer à votre épouse que j’étais et je suis le meilleur.

Gilles- Et vous pensez vraiment être le meilleur ?

Jean-Pascal- Bien sûr ! C’est pour cela que je souhaite vous le prouver sans plus attendre. Appelez donc Marianne afin que nous puissions nous mesurer.

Gilles- Je ne sais pas si on vous l’a déjà dit mais vous êtes un sacré comique.

Jean-Pascal- Cela m’étonnerait. Je n’ai aucun sens de l’humour.

Gilles- Ni le sens de l’humour, ni même le sens du ridicule.

Jean-Pascal- Du ridicule ? Pourquoi dites-vous cela ?

Gilles- Réveillez-vous mon vieux ! Vous n’avez pas vu que la partie était terminée. Les joueurs sont rentrés au vestiaire et les arbitres ont quitté le terrain. Il faut vous faire une raison. Vous n’allez pas refaire le match.

Jean-Pascal- Mais si, bien sûr puisque j’ai été victime d’une injustice, il est tout à fait logique de vouloir recommencer mais soyez sans crainte, si je gagne, votre épouse pourra conserver la moitié de ses gains.

Gilles- Non ? Vraiment ? Oh Monsieur est trop bon ! Je ne sais comment remercier Monsieur de tant de générosité.

Jean-Pascal- C’est normal, je vous l’ai dit, je ne concoure pas pour l’argent. Seule la confrontation m’intéresse.

Gilles- Cela tombe bien, moi aussi. Je sens que nous n’allons pas tarder à nous confronter.

Jean-Pascal- Pardon ? Ce n’est pourtant pas vous qui avez...

Gilles- Non mais c’est moi qui vais vous faire sortir à grands coup de pompes si vous ne sortez pas tout seul.

Jean-Pascal- Monsieur, vous déraisonnez. Je suis là uniquement pour demander réparation.

Gilles- C’est évident que vous avez besoin d’être réparé parce que si vous voulez mon avis, vous êtes un peu fêlé et pas que sur les bords.

Jean-Pascal- Vous devriez aller chercher votre épouse, je n’ai plus trop envie de parler avec vous.

Gilles- Cela tombe bien, moi non plus alors maintenant tu dégages !

Il prend Jean-Pascal par le col.

Jean-Pascal- Qu’est-ce qui vous prend ? Lâchez-moi ! Vous êtes fou ! Lâchez-moi, vous dis-je !

Ils se battent. Entrée de Marianne et Caroline.

Marianne- Gilles ! Que se passe-t-il ?

Gilles- Il se passe que nous sommes envahis par les frapadingues qui commencent à me courir doucement sur le haricot. Aidez-moi !

Marianne- Gilles ! Explique-nous !

Gilles- Il n’y a rien à expliquer. Ce type est cinglé. Aidez-moi à le virer.

Jean-Pascal- Marianne ! Ne l’écoutez pas ! Je veux seulement jouer avec vous. (A Gilles) Lâchez-moi et laissez-moi jouer avec elle.

Marianne- à Caroline- Qu’est-ce qu’il dit ?

Caroline- Il dit qu’il veut jouer avec toi. Je comprends que ça ne plaise pas à ton mari. Attends Gilles ! On vient t’aider !

Jean-Pascal- Lâchez-moi !

Caroline ouvre la porte et aide Gilles à faire sortir Jean-Pascal.

Gilles- Ne t’avise pas de revenir sinon j’appelle la police.

Caroline – Après que la porte a été refermée- Ben dis-donc ! Pas facile, le bestiau. Et maintenant si tu nous expliquais qui était ce fou furieux ?

Marianne- C’est curieux, sa tête ne m’est pas inconnue. Où ai-je bien pu le rencontrer ?

Gilles- C’est simple. Tu l’as rencontré à « Tout le monde veut gagner du pognon »

Caroline- Dans le public ? Encore un admirateur ? Décidément Marianne, tu déchaines les passions.

Gilles- Non, il n’était pas dans le public. Lui aussi était sur le plateau et parait-il que tu l’aurais injustement éliminé.

Marianne- Oui ! Maintenant que tu me le dis, je m’en souviens... Il était arrivé ex-aequo avec une candidate et lorsqu’il a fallu choisir un seul finaliste, évidement, solidarité féminine, j’ai préféré concourir avec une femme plutôt qu’avec lui.

Gilles- Et bien, figure-toi que cela l’a rendu furieux.

Marianne- Cela ne m’étonne pas, déjà lors de l’enregistrement de l’émission, il était tellement énervé de la décision que la production a dû faire intervenir des agents de sécurité pour le calmer.

Caroline- Mais... Que voulait-il exactement ?

Gilles- Il est venu pour se mesurer à Marianne mais oui, il veut faire ici la finale dont il estime avoir été privé mais (à Marianne) rassure-toi, s’il gagne, il saura se montrer magnanime ; il ne te prendra seulement que la moitié de tes gains.

Caroline- Complétement allumé, ce type !

Marianne- Je me demande comment il a réussi à avoir notre adresse.

Gilles- A tous les coups, il t’a suivi.

Marianne- En tous cas, j’espère qu’il ne reviendra pas... Dire qu’arrivée ici, je pensais pouvoir enfin me reposer... Je ne sais pas, vous, mais moi, mon petit doigt me dit que nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises.

Gilles- Comme tu le dis ! On dirait qu’ils se sont donnés le mot, à croire qu’aujourd’hui tout le monde veut gagner du pognon.

 

                                   FIN DU PREMIER ACTE