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La fontaine miraculeuse

 

Comédie théâtrale en 2 actes de Yvon Taburet.

10 Personnages (4 Hommes, 6 Femmes)

Cette pièce dont l’action se situe en 1966, propose plusieurs versions et plusieurs distributions (les rôles du maire et du journaliste peuvent être féminisés, Eric peut être suivant l'age de l'acteur le fils ou le frère de Félicie,  quant au rôle d’Aline, il peut être supprimé. Les distributions seront donc :
Pour 8 personnages : 4h4f ou 5f3h ou 6f2h 3f 5h
Pour 7 personnages : 4f 3h ou 3f4h ou 2h5f
Pour 6 personnages : 3f3h ou 4f2h 4h 2f
Pour 10 personnages : 7f 3h ou 6f 4h

Cette pièce est disponible dans son intégralité, sur simple demande. Merci de me préciser la version voulue.

Décor : Une place de village.. Un banc public, une fontaine.

Résumé : Dans les années 60, Belle Fontaine est un petit village qui se meurt, au grand désespoir du maire etde ses administrés. Lorsque survient Max Fratelli, un journaliste, critique culinaire égaré, Maryline et les membres de sa troupe décident de mettre leurs talents d'acteurs au service de la commune en faisant croire à leur visiteur que leur fontaine possède des pouvoirs incroyables. Dès lors chacun va jouer sa partition afin de retenir le journaliste peu enclin à vouloir s’attarder dans ce trou perdu.
Céline va jouer la guenilleuse à qui la fontaine va donner la richesse, Éric va faire le ravi du village et découvrir l’intelligence qui lui manquait quant à Félix qui s’est présenté en faisant l’aveugle, grâce aux vertus supposées de la fontaine, c’est tout naturellement qu’il recouvrera la vue. Max Fratelli promet de revenir le lendemain pour mener une enquête plus approfondie sur cette fontaine miraculeuse et ses effets thérapeutiques ; tous commencent à se rendre compte qu’ils sont allés trop loin dans la mystification mais comment revenir en arrière ? Cette chronique théâtrale truffée de références de l’époque fera revivre de manière humoristique le contexte des années 60.

Lire un extrait

 

 

 

 

 

 

Extrait

 

ACTE 1


Sur un banc, Victor et Thérèse. Victor lit le journal, Thérèse tricote.
Thérèse : Et voilà ! J’ai fini mon rang... Il va peut :être falloir rentrer mon Victor. J’ai mon repas à préparer.
Victor : Attends un peu Thérèse, je finis mon article... Je n’en ai pas pour long.
Thérèse : Et qu’est ce qu’il te dit ton article ?
Victor : Ils disent que les Beatles (Il prononce Beuatlés) vont faire leur dernier concert à San Francisco.
Thérèse : Les beuatlés ? C’est qui ceux là ? On les connait ?
Victor : Ce sont des gaziers qui font de la musique... Des anglais, avec des cheveux longs. Tu ne vois pas ?
Thérèse : Avec des cheveux longs ? Mais ils ont tous les cheveux longs ! Je ne sais pas quelle idée, ils ont, tous ces jeunes !
Victor : C’est sûr que ce ne sont pas eux qui vont enrichir les coiffeurs. C’est bien simple, y en a, tu les vois de dos, tu ne sais même pas si ce sont des gars ou des filles.
Thérèse : Que veux tu... Ils doivent trouver ça bien.
Victor : Tous ces gars aux cheveux longs, des sacrés zozos... S’ils continuentà vouloir garder leurs cheveux longs, tu verras qu’ils finiront par pisser accroupis...
J’en connais qui feront moins les malins quand ils feront leur service militaire. Ils vont se retrouver la boule à zéro, ça va leur faire tout drôle.
Thérèse : Dis moi, Victor...C’est où, ça, San Francisco ?
Victor : C’est dans les Amériques.
Thérèse : C’est tout ce qu’il raconte ton journal ? Il te donne des nouvelles des Amériques mais chez nous ? Qu’est :ce qu’il se passe chez nous ?
Victor : Chez nous, il ne se passe rien. Je te rappelle que nous sommes en été... Ils sont tous en vacances. Notre président est à Colombey les deux églises comme d’habitude et il parait que Pompidou est du côté de Fouesnant.
Thérèse : Ils sont tous en train de se la couler douce alors que nous, des vacances, on ne sait même pas ce que c’est... C’est vrai, ça... Des vacances, on n’en a jamais pris. Pourtant, des fois, j’aurais bien aimé partir quelque part, moi aussi.
Victor : Pour aller où ? A San Francisco ?

Arrivée d’Aline qui arrive, trainant des pieds.
Victor : Tiens, voilà Aline ! Dis Aline, tu les connais, toi, les Beuatlés ?
Aline : Qui ça ?
Victor : Les Beuatlés ! Tiens ! Regarde ! Il lui montre le journal.
Aline : Ce ne sont pas les Beuatlés, ce sont les Beatles ! Oui, évidement ! Tout le monde les connaît !
Thérèse : Ah oui ! Les Beatles, moi aussi, je connais ! Je les ai entendus à la radio. Tu vois Victor, tu ferais mieux de garder ton argent plutôt que d’acheter ton
journal, non seulement ils ne t’apprennent rien mais en plus, ils ne sont pas fichus d’écrire correctement le nom des chanteurs.
Victor : Dis donc Aline, ça ne va pas ? Tu n’as pas l’air en forme.
Aline ne répond pas et hausse les épaules.
Thérèse : Tu ne vois pas que tu l’embêtes avec tes questions. On ferait mieux de se lever parce que je te rappelle que j’ai à faire.
Victor : C’est vrai, tu fais bien de le rappeler, l’heure tourne vite et on a à faire.
Thérèse : Qu’est ce que tu dis ? Tu veux venir m’aider ? Ce serait bien la première fois.
Victor : Je n’ai pas dit cela mais je dois passer voir quelques vieux copains pour préparer la réunion des anciens combattants.
Thérèse : Ah ! Je me disais aussi... Monsieur préfère comme d’habitude s’arsouiller avec ses copains... le jour où Monsieur voudra donner un coup de mainà la maison, crois moi Aline, ce sera certainement la semaine des quatre jeudis ou lorsque les poules auront des dents.
Victor : Ah ! Thérèse ! Ne commence pas à dénigrer les anciens combattants.
Thérèse : Allez ! Va ! Je préfère ne pas discuter.
Elle sort côté Jardin tandis que Victor sort côté cour. Aline s’assied sur le banc, les bras croisés, boudeuse. Arrivée d’Éric.)
Éric : Ah Aline ! Je te cherche partout. Que fais tu là, toute seule comme une pauvre orpheline ?
Aline : Il y a des moments, je me demande s’il ne vaudrait pas mieux que je le sois.
Éric : Que tu sois quoi ?
Aline : Ben orpheline ! Au moins je n’aurais plus de compte à rendre, ni à la famille, ni à personne.
Éric : Toi, mon petit doigt me dit que tu t’es encore disputée.
Aline : Comment as tu deviné ?
Éric : A voir ta tête des mauvais jours, ce n’est pas difficile à comprendre.
Aline : Qu’est ce qu’elle a ma tête ? Elle ne te plait pas ?
Éric : Mais si, au contraire, elle est très bien ta tête, elle me plait beaucoup. Tu sais bien que je l’adore ta tête. Calme :toi, je n’ai rien dit de mal.
Aline : Encore heureux ! Parce que vois tu, aujourd’hui, ce n’est pas la peine d’en rajouter.
Éric : Raconte moi donc tes petites misères ! Vas-y, tu peux y aller, je ne suis pas pressé.
Il s’assied à côté d’elle.
Aline : C’est à cause de ma mère. Elle me prend toujours pour une gamine. ... Figure toi que ce matin, elle m’a interdit de porter la mini jupe que je venais d’acheter. Tu te rends compte ! Elle me l’a in-ter-dit !
Éric : Ah ouais, c’est pas sympa !

Aline : Elle m’a dit : « Tu porteras ta mini jupe lorsque tu iras à Paris, mais dans le village, il n’en est pas question.. »
Éric : C’est dommage. Je suis sûr que ça t’irait bien.
Aline : Je lui ai dit : Maman, réveille toi ! Nous sommes au 20ième siècle, en 1966 pas en l’an 40. Je te rappelle qu’à partir de 21 ans, on est considéré comme étant majeure, comme tu peux le constater, ça fait un moment que je n’ai plus cet âge, alors cesse de vouloir me commander mais elle me l’a redit : Pas de mini jupe ici !
Du coup, moi je suis sortie en claquant la porte.
Eric : (Chantant) « Mini mini mini. Tout est mini dans notre vie » Tu sais qui chante ça ? C’est un nouveau chanteur, Il s’appelle Jacques Dutronc. Il chante aussi « Et moi et moi et moi ». Tu as dû l’entendre à la radio, en ce moment, à « Salut les copains » ils ne passent que ça. « 700 millions de chinois, et moi et moi et moi » Ne me dis pas que tu ne connais pas... Moi, je l’aime bien, ce Dutronc, il m’a l’air d’être un sacré rigolo.
Aline : Rigolo, peut être mais je ne suis pas sûre qu’il soit très romantique. Question romantisme, je préfère de loin mon petit Salvatore Adamo.
Éric : Ah oui ! « Laisse mes mains sur tes hanches » (Il joint le geste à la parole.)
Aline : (se dégageant) Ça ne va pas !
Éric : Ben quoi ? Qu’est :ce qu’il y a ? « Ne fais pas ces yeux furibonds. »
Aline : Ca ne se fait pas. On pourrait nous voir.
Éric : Et alors ? Je peux bien laisser mes mains sur tes hanches. Tu m’as bien laissé faire l’autre soir, derrière chez toi, alors pourquoi pas ici ? Comme tu l’as dit toi même, nous ne sommes plus au moyen âge, nous sommes en 1966.
Aline : Ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi sur la place publique... Tu sais, ce n’est pas parce que je veux porter une mini jupe qu’il faut me prendre pour une fille facile.
Éric : Je n’ai pas dit cela.
Aline : Alors range tes mains baladeuses et ne viens plus m’importuner. Ce n’est vraiment pas le jour. J’en ai marre de ce bled pourri ! Marre ! Marre ! Plus que marre !
Éric : Ne te fâche pas, mon p’tit cœur et surtout n’oublie pas que dans ce bled pourri, il y a moi. Moi qui t’aime à la folie. T’en connais un autre qui serait capable de te dire : « Biche oh ma Biche, lorsque tu soulignes au crayon noir tes jolis yeux, biche oh ma biche, moi je m'imagine que ce sont deux papillons bleus »
Aline : Ça suffit ! Lâche moi, toi aussi ! Je ne suis pas d’humeur à plaisanter. Si c’est pour t’entendre faire le Jacques, je préfère m’en aller.
Éric : "Que serais je sans toi qui vins à ma rencontre Que serais je sans toi qu'un cœur au bois dormant"

Aline : C’est ça ! Continue à faire le juke box.
(Elle sort.)
Éric : Aline ! Aline. Ne te fâche pas ! Aline !
(Éric, après être allé à la poursuite d’Aline jusqu’en coulisse, revient en trainant les pieds puis s’assied sur le banc en se tenant la tête entre ses mains. Arrivée, côté jardin de la Maire.)
La maire : Et bien Éric, tu m’as l’air abattu, que se passe-t-il ?
Éric : « Et j’ai crié, crié Aline pour qu’elle revienne. »
La maire : Oui, et alors ?
Éric : Ben alors, elle n’est pas revenue.
La maire : Ca ne m’étonne pas. Moi si on me crie dessus, je ne suis pas sûr que ça me donne envie de revenir... Alors si je comprends bien, tu t’es fâché avec Aline ?
Qu’as tu donc fait pour la contrarier ?
Éric : Je lui ai mis les mains sur les hanches, vous savez, comme dans la chanson.
(Il chante.) « Laisse mes mains sur tes hanches. »
La maire : Éric, si tu veux un conseil, écoute moi bien. La prochaine fois, garde les mains dans le fond de tes poches, ça t’évitera les fâcheries.
Éric : Vous savez Madame la Maire, je ne pensais pas à mal, ça me fait de la peine de m’être disputé avec Aline. J’espère que ce n’est pas pour toujours. Et si ça l’était ? Comme dit Johnny : « Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir, oui gris c’est gris et c’est fini ? » Non, ce n’est pas fini, n’est ce pas ?
La maire : Mais non, voyons, bien sûr que ce n’est pas fini.
Éric : Parce que si c’était le cas, je n’aurais plus qu’à me noyer dans la fontaine, moi et mon chagrin.
La maire : Ne fais pas cela malheureux, tu risquerais de la polluer. Maintenantécoute moi au lieu de pleurnicher. Si tous les habitants de ce village se suicidaient après chaque dispute conjugale, crois moi qu’il n’y aurait plus aucune place dans le cimetière depuis bien longtemps.
Éric : Vous croyez ?
La maire : Si je te le dis !
Éric : Merci, c’est gentil de me remonter le moral. Je vais pouvoir retourner au boulot. Au fait, vous l’avez entendu le nouveau succès d’Henri Salvador ? (Il chante.) « Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver, les prisonniers du boulot ne font pas de vieux os... »

(Il sort, tout en continuant à chanter, côté cour tandis que côté Jardin arrive Félicie. Elle porte un cabas.)
Félicie : (Elle crie) Éric ! Éric ! Attends moi ! Éric !
La maire : Inutile de t’égosiller, Félicie. Tu vois bien qu’il est déjà parti. Il ne t’entend pas.
Félicie : Il ne m’entend pas ou il fait semblant de ne pas m’entendre. Je le connais l’animal, ce n’est pas lui qui viendrait aider sa vieille mère à porter les provisions.
La maire : Allons, allons Félicie, ne sois pas trop injuste, tu sais bien que ton fils est un brave garçon.
Félicie : Brave peut :être mais ça ne l’empêche pas d’avoir un poil dans la main. La preuve, tu l’as entendu comme moi chanter cette chanson idiote.
La maire : Tu ne vas tout de même pas reprocher à ton fils d’avoir le cœur gai.
Félicie : Aux innocents les mains pleines. Facile d’avoir le cœur joyeux quand c’est la mère qui s’occupe de tout.
La maire : Tu sais, Félicie, depuis le temps que je le connais, je peux te l’assurer, Éric est un garçon sensible, très sensible... Il peut passer du rire aux larmes très rapidement... En fait, ton fils, il est un peu comme Christophe Colomb. Lui aussi, il a des états d’âmes, Éric.
Félicie : Je ne comprends rien à ton charabia.
La maire : Ce n’est pas grave, je veux juste te dire que si tu étais arrivée cinq minutes avant, tu l’aurais trouvé pleurant comme un veau égaré. Le pauvre était inconsolable.
Félicie : Allons bon ! Que lui était il arrivé à ce petit bichon pour qu’il soit si chagriné ?
La maire : Il venait de se disputer avec sa petite amie.
Félicie : Ah la belle affaire !
La maire : Je peux comprendre qu’il soit peiné... Vois tu, Félicie, déjà qu’il n’y a plus beaucoup de belles filles dans le village, si ton fils commence à s’embrouiller avec celles qui restent, il n’aura plus qu’à se faire moine, c’est moi qui te le dis.
Félicie : Ne parle pas de malheur, j’en ai besoin au restaurant. Si tu crois qu’on est assez de deux. Je peux t’assurer qu’on ne chôme pas, c’est bien pour ça qu’il faut que j’y aille, je ne voudrais pas me mettre en retard.
La maire : Félicie, je ne te laisserai pas partir avant de connaitre le menu de ce midi. Qu’y aura-t-il à la carte aujourd’hui ?
Félicie : J’ai réussi à avoir des giroles avec le petit Laurent, donc ce midi, ce sera rôti de veau aux giroles.
La maire : Et ton veau, il vient d’où ?

Félicie : D’où veux tu qu’il vienne ? De chez Blanchard, comme d’habitude. Qu’est ce que tu croyais ? Qu’il avait pris l’avion pour venir jusqu’à chez moi ?
La maire : Et il y aura des pommes de terre ?
Félicie : Bien sûr qu’il y aura des pommes de terre. De la belle de Fontenay si tu veux tout savoir.
La maire : Tu mettras du romarin, n’est ce pas ?
Félicie : Evidement et aussi du thym et de la fleur de sel.
La maire : Ah Félicie ! Je te l’ai déjà dit, tu mériterais de figurer dans les meilleurs guides touristiques. Tu gâches ton temps et ton talent dans un trou perdu comme ici. Si tu t’installais, à la ville, crois moi, il ne faudrait pas un an pour que tu sois enfin reconnue.
Félicie : A quoi ça sert d’être reconnue si toi :même tu ne reconnais pas les autres ? Qu’est :ce que c’est que cette idée de vouloir me faire déménager. Si ça t’embête que je sois là, dis le tout de suite... Tu ne trouves pas qu’il y a déjà bien assez de commerces fermés sur la commune ?
La maire : Si je te parle d’installation à la ville, c’est parce que tu le vois bien, ici, nous sommes tous en train de crever à petit feu, le village se meurt, il n’y a plus d’avenir...Depuis que l’usine a fermé, beaucoup sont partis... Bientôt nos commerces déclineront les uns après les autres. Que pourrons :nous y faire ? D’après nos chers technocrates, ce n’est que le début de la fin, je me demande bien dans cinquante ans ce qui restera de notre ruralité.
Félicie : Délaisser notre belle campagne pour aller m’enfermer dans un clapier en béton au milieu des gaz d’échappement, merci bien ! Tu m’entends ? Il n’en est pas question.
La maire : Ne te méprends pas, ma chère Félicie, je ne souhaite nullement que tu quittes le pays mais quand on a goûté à ta merveilleuse cuisine, on aurait tellement envie que tu la fasses découvrir à d’autres et pourquoi pas aux touristes.
Félicie : Les touristes ? Pour ce qu’ils savent apprécier... J’ai entendu dire que les américains adoraient manger leur steak haché entre deux tranches de pain et qu’ils faisaient la queue pour acheter cette nourriture.
La maire : Oui, j’en ai aussi entendu parler, il parait même que chez eux, il existe des centaines de magasins qui proposent ce genre de sandwiches. Ils appellent ça du nom de leurs propriétaires, des Mc Donald, je crois... Enfin rassure toi, Félicie, nous autres avons trop de respect pour la gastronomie pour que cette mode arrive chez nous.

........
(En coulisse, on entend un bruit de moteur suivi de coups de klaxon.)
La maire : Allons bon ! Quel est donc ce raffut ?
Felix : Chut ! Taisez :vous ! Ecoutez ! (Il tend l’oreille.) DS 21 Citroën. 4 cylindres, suspension hydropneumatique, 100 chevaux sous le capot, Non ! Je n’y crois pas ! Une DS 21 ? Ici, au village ?
Céline : Comment tu sais ça, toi ?
Felix : Tu sais bien, les bagnoles, c’est ma passion.
Maryline : Il est peut être aveugle notre Felix, en tous les cas, il n’a pas l’air d’être sourd.

(Arrivée, côté jardin de Max. Il tient une carte routière à la main.)
Max : Ah ! Enfin, je trouve du monde dans ce patelin. Je commençais à me demander s’il était réellement habité. Bonjour Messieurs-dames. Vous allez pouvoir me renseigner.
Felix : C’est à vous la DS 21 ?
Max : Comment savez vous que c’est une DS ?
Felix : Parce que seule une merveille de ce genre peut prodiguer une aussi belle sonorité. Je peux la voir ? J’adorerais !
Max : La voir ? Mais... Cette canne... Ces lunettes... Il semblerait que vous soyez... Comment dire...
Felix : Mais oui, aveugle. C’est une évidence qui crève les yeux, n’est ce pas ? Mais vous savez, un aveugle voit tout autant avec ses oreilles comme j’ai pu à l’instant vous le démontrer. Et puis, le temps que j’arrive jusqu’à votre voiture, peut être aurai-je alors retrouvé la vue. Sait on jamais ?
Max : Ecoutez, on verra... Pour le moment, j’aimerais bien savoir où je suis exactement. Une déviation m’a fait quitter la route nationale et finalement je me suis perdue sur toutes ces routes de campagne. (Dépliant la carte.) Alors montrez moi... Où sommes nous ? (Félix se penche sur la carte.) Mais non ! Pas vous ! (Dirigeant la carte vers les autres) Pouvez-vous me renseigner ?
La maire : Bien sûr ! Toutefois permettez moi de me présenter. Albertine Legrand, je suis la maire de Belle Fontaine et oui, le charmant village où vous vous trouvez se nomme Belle Fontaine. .
Max : Belle Fontaine ? Tu parles d’un nom... Montrez moi où se trouve votre fameux Belle Fontaine... Si toutefois il est bien marqué sur la carte.
La maire : Mais certainement, Monsieur... ?
Max Ah oui... Max Fratelli. Je suis journaliste à la RTF.
Céline : La RTF ? La radio télévision française ?
Max : C’est cela. La télévision, vous connaissez ? Vous l’avez dans votre village ?
Maryline : Oh ben non ! Pensez vous ! Nous sommes bien trop occupés à tailler des silex et à peindre des mammouths sur les murs de nos grottes. Alors la télévision, vous pensez bien qu’on ne sait pas ce que c’est.
Max : Ne vous vexez pas, je ne voulais pas vous...
Céline : Bien sûr que nous avons la télévision. Naturellement, tout le monde ne possède pas un poste mais entre voisins, on s’invite quand il y a quelque chose d’intéressant...Pour voir « Intervilles » ou « La piste aux étoiles » par exemple...
...........
Maryline : Il est peut être ridicule mais, en attendant, il a tout de même réussià persuader le journaliste qu’il était non voyant, n’est ce pas ?
Céline : Oui mais où veux tu en venir ?

Felix : J’avoue que moi même, j’ai du mal à te suivre. (À Céline) Remarque pour un aveugle, avoir du mal à la suivre, c’est normal.
Céline : Arrête ! Tu m’énerves !
Maryline : Ecoutez moi, vous allez comprendre... Pas plus tard que tout à l’heure, la maire me disait qu’il faudrait un miracle pour redynamiser notre village et bien nous allons lui en donner du miracle. Après tout, puisque nous avons l’habitude de faire du théâtre, nous pouvons bien jouer la comédie. A partir de maintenant le village est notre scène, ce journaliste sera notre public et nous allons tout faire afin qu’il ne s’en aille pas avant la fin de la représentation.

(En coulisse, voix d’Éric)
Voix d’Éric : Mirza ? Mirza ?
(Arrivée d’Éric.)
Éric : « Z’ avez pas vu Mirza ? Oh la la la la la... Où est donc passé ce chien ? Je le cherche partout, Où est donc passé ce chien ? Il va me rendre fou » Ah ! Vous êtes là ? Dites moi, z’avez pas vu Mirza ? Il a mangé une assiette de saucisson alors Félicie l’a chassé à grands coups de balai, pauvre chien, il a eu tellement peur qu’il s’est enfui et maintenant il est introuvable... Décidément ce matin, tout le monde veut partir, avant c’était Aline, maintenant c’est Mirza.
Maryline : Et si nous perdons trop de temps, il y en a un troisième qui risque de déguerpir, alors essayons d’être efficaces. Dis moi Éric, ce n’est pas toi qui m’as dit un jour que t’aimerais faire du théâtre ?
Éric : Je préférerais être chanteur mais acteur, oui pourquoi pas ? Un de ces jours, j’aimerais bien essayer.
Maryline : Tu sais que tu as de la chance ? Figure toi que c’est maintenant que tu vas faire un essai.
Éric : Maintenant ? Mais je ne peux pas, il va falloir que j’aille mettre le couvert au restaurant. Si je traine de trop, je n’ai pas fini de me faire enguirlander.
Céline : Tu n’auras qu’à dire que tu cherchais Mirza. Maryline, explique nous plutôt ce que tu attends de nous.

Maryline : Ecoutez moi bien. Voilà comment nous allons procéder.
(Ils se rapprochent autour de Maryline et se mettent en cercle pour écouter ses
confidences.)
...........
La maire : Vous ne voulez vraiment pas rester ? Vous verrez, notre village possède plus d’un atout et mérite d’être découvert. Si vous pouviez nous faire un petit reportage...
Max : Madame la Maire, je ne vais pas vous mentir, des villages comme le vôtre, il y en a des centaines, franchement, je ne vois pas qui cela pourrait intéresser.
(Arrivée côté jardin de Maryline, suivie de Céline. Toutes deux portent une sorte de toge confectionnée avec des draps. Maryline a dans une main un plat à paella et dans l’autre une louche. Elle rythme leur incantation.)
Maryline : (tout en tapant) Oula ! Oula ! Oula la !
Céline : Oula oula ! Oula la, Oula oula oula la...
Maryline : Fontaine, belle fontaine, fais nous profiter de tes richesses, apporte nous l’abondance et guéris les maux de tes adorateurs. Oula oula oula la !
Céline : Oula oula oula la. Oh source de joie, inonde :moi de tes largesses, laisse s’écouler les flots de la générosité et reçois en retour notre reconnaissance éternelle
Maryline : Oula oula oula la !
Céline : Oulà oula oula la !
Elles se dirigent vers la fontaine. Maryline tend la louche à Céline qui la prend.
Maryline : portant à bout de bras le plat à paella. : Oh fontaine ! Belle fontaine ! Sois généreuse avec cette pauvre femme dans le besoin.
Céline : Oh oui, Belle :Fontaine, sois généreuse avec moi qui suis dans le besoin.
Céline plonge la louche dans la fontaine et la ressort emplie de colliers, et autres bijoux.

Céline : Après avoir mis les bijoux dans le plat à Paella, elle s’en empare. Merci fontaine chérie, merci fontaine bienfaitrice. Une fois que j’aurai vendu ces bijoux, je pourrai enfin donner à manger à mes petits enfants maigrelets qui ne cessent de crier famine, je pourrai acheter des médicaments pour soigner mes pauvres parents et ainsi contribuer à les guérir de la tuberculose, de la gale, de la lèpre et de la myxomatose qu’une vie misérable leur a offert en cadeau. Mais qui vois je venir à l’horizon ? N’est ce pas Éric, le ravi du village que la nature n’a pas épargné.
Arrivée côté jardin d’Éric. Il marche les pieds à l’intérieur en manifestant de nombreux tics.
Maryline : Fontaine, oh fontaine bien aimée, ne crois tu pas qu’il est temps de soulager la souffrance de ce pauvre innocent ? (À Éric) Éric ! Viens mon garçon, approche ! N’aies pas peur.
Éric : avance en claudiquant, le visage ravagé par les tics. Bonjour Madame.
Maryline : Approche te dis je ! Dis moi mon garçon, n’en as tu pas assez d’être l’objet de tous les quolibets lorsque tu traverses le village ? N’es tu pas lassé d’entendre railleries et gloussements à chacune de tes apparitions ? Et bien réponds !
Éric : continuant à prendre un air abruti. : Bonjour Madame.
Maryline : Je te le répète, mon garçon, te plairait il de changer d’apparence, là, dès maintenant grâce aux bienfaits de notre fontaine ?
Éric : toujours niais : Bonjour Madame.
Maryline : Pauvre âme égarée dans les brumes de l’innocence. As tu seulement compris le sens de mes questions. Comprends tu ce que je te dis ?
Éric : Non Madame.
Céline : Bon ! On ne va pas y passer la nuit. La Madame te demande si tu veux changer ton air abruti contre un air plus intelligent. Ça te va ? Alors, répète après moi : Oula oula oula la ! Oula oula oula la !
Éric : Ca va faire mal ?

Céline : Mais non, pourquoi ?
Éric : C’est parce que vous dites : Oula la.
Céline : Non, ça ne va pas faire mal ! Maintenant répète après moi : Oula oula oula la !
Eric : Oula oula oula la.
Céline : Encore !
Eric : Oula oula oula la.
Céline : C’est bien ! Maintenant bois ! (Elle plonge la louche dans la fontaine et la ressort pleine d’eau.) Tiens !
Éric : Qu’est ce que c’est ?
Céline : Tu vois bien, c’est de l’eau.
Éric : Je n’aime pas l’eau.
Céline : Ca, j’avais remarqué. T’aimes pas l’eau et tu ne dois pas aimer beaucoup le savon non plus, tu sens la frite.
Éric : C’est à cause du restaurant. C’est Maman qui me dit...
Céline : énervée – Bois !
Éric : Vous n’auriez pas plutôt un petit coup rouge parce que je vous l’ai dit, moi, l’eau...
Céline : De plus en plus énervée. : Bois que je te dis !
Éric : Oui Madame !
Il s’exécute. Tout de suite après avoir bu, son corps est secoué de soubresauts pendant quelques instants avant de s’apaiser. Peu à peu, Éric reprend une apparence normale. Il se tâte les membres. Vous avez vu ? C’est incroyable ! Plus de tics ! Et je marche normalement ! C’est un miracle ! Tout cela grâce à cette fontaine ! Attendez ! Je vais en reboire !
Maryline : Non ! Cette eau est précieuse. Point trop n’en faut. A chacun selon son dû, ni plus, ni moins. Prenons garde à ne pas tarir la source.
Éric : Je cours annoncer la nouvelle... Allez, mes jolies jambes, emmenez moi à la maison !
Il part en courant.
Max : Dites moi, Madame la maire, vous qui cherchiez à me retenir pourquoi ne m’avez vous pas parlé de cette extraordinaire fontaine. C’est dingue ! Expliquez moi !
La maire : Vous expliquer ? Que vous dire... Moi même, je suis toute... Toute...
Maryline : l’interrompant Toute émue comme nous tous devant tant de miracles accomplis... On a beau être habitués, c’est toujours aussi émouvant, n’est ce pas madame la maire ?
La maire : Euh... Je... Oui, bien sûr.
Max : Néanmoins, je m’interroge... Si cette fontaine peut apporter fortune ou santé pourquoi cette dame qui semblait être dans la précarité a-t-elle attendue aussi longtemps, pourquoi ce pauvre garçon semblait en ignorer les vertus ?
Maryline : Parce que la fontaine ne déverse pas tous les jours ses bienfaits. Ce n’est qu’à certaines périodes que la magie opère, ainsi aujourd’hui la conjonction des planètes nous est favorable. Vénus et Jupiter nous regardent avec bienveillance, c’est pourquoi ce jour est propice.
Max : Mais... Comment saviez vous précisément qu’aujourd’hui était le bon jour ?
Maryline : Parce que je l’ai lu dans les astres, cher monsieur. Depuis ce matin, les forces cosmiques se rassemblent pour énergiser notre fontaine. Vous avez de la chance parce que, croyez :moi, ce n’est pas tous les jours que l’on peut assister à ce genre de phénomène.
Max : Et cela arrive souvent ?
Maryline : Je ne peux vous en dire plus... Je ne souhaite pas attirer les foudres du ciel sur notre village.
Max : Remarquez... Vous avez raison... Il ne sert à rien de s’emballer prématurément... Avant d’officialiser ce genre d’histoire, il faudrait recenser plus de témoignages... Et puis... (Soudain suspicieux) Voir s’il n’y aurait pas une quelconque machination là dessous... Vous, par exemple... Si ça se trouve, vous aviez caché ces bijoux dans le seul but de vouloir m’éblouir.
Maryline : Voyons Monsieur ! Pourquoi ferions nous cela ?
Max : Je ne sais pas... Peut être pour m’impressionner...Si c’était le cas, le but aété atteint, je dois l’avouer que vous m’épatâtes
Céline : Patate, toi même ! Il est incroyable ce petit monsieur ! On lui montre deux jolis miracles et il continue à faire la fine bouche. Je ne sais pas ce qu’il lui faut de plus. Qu’il aille au diable !

Arrivée de Félix.
Félix : Holà ! Quelles sont ces invectives qu’il me semble discerner. Pour qui sont ces propos proférés avec emportement ? Céline, j’ai reconnu ta voix, dis moi quel est l’unique objet de ton ressentiment ?
Céline : Laisse tomber, ça n’en vaut pas la peine.
Félix : Mais si ! On ne se fâche jamais sans raison. Il me tarde de connaitre le pourquoi de ton courroux.
Max : Madame ne semble pas apprécier les sceptiques.
Félix : Sceptique par rapport à quoi ?
Max : Par rapport à cette fontaine, soi disant miraculeuse.
Félix : Cher monsieur, je ne peux que vous approuver. Moi même, je n’ai jamais cru à cette vieille légende... en fait, il faudrait que je le vois pour le croire et comme vous pouvez le constater, ce n’est pas facile. Alors oui, comme vous, je pense que toutes ces histoires que l’on raconte autour de cette fontaine ne sont que billevesées, sottises et fariboles.
Maryline : Félix, au lieu de dire n’importe quoi, ne préfèrerais tu pas recouvrer la vue ?
Félix : Non, je ne crois pas que cela puisse m’intéresser. Le monde que j’imagine est certainement plus beau que celui que vous me proposez, alors dites le moi, quel intérêt aurais-je à regarder toute la misère du monde ?
Céline : Tous les paysages sont loin d’être cauchemardesques (faisant la coquette, elle soulève sa poitrine.) Certaines visions valent largement le coup d’œil. Ah !
Pauvre Félix ! Si seulement tu avais aimé les femmes...
Félix : Ah... S’il s’agit de se rincer l’œil... Dans ce cas là... Mais... je peux aussi me contenter du toucher. (Il cherche à caresser Céline.)
Céline : Bas les pattes, vieux cochon ! On ne touche pas, on regarde seulement.
Maryline : Bon Félix, tu te décides ? Que veux tu ?
Félix : D’accord ! Comme au poker, je mise... pour voir.
Maryline : Approche ! (Elle le guide vers la fontaine.) Donne moi ta canne et tes lunettes et répète après moi : Oula oula oulala !
Félix : Oula oula oula la !
Maryline : Encore !
Félix : Oula oula oulala !
Maryline : Maintenant, vas y ! Plonge ta tête ! N’aies pas peur ! Allez ! Toi qui voulais te rincer l’œil, c’est le moment.
(Félix plonge la tête dans la fontaine et en ressort en écarquillant les yeux.)
Félix : dévisageant tout le monde, il s’arrête sur Céline. : Ah !
Céline : Qu’est ce qu’il y a ?
Félix : C’est toi Céline ?
Céline : Ben oui, c’est moi.
Félix : C’est drôle... Je t’imaginais plus jolie
Céline : Espèce de mufle ! Je te conseille de remettre la tête dans la fontaine, avec encore un petit miracle, tu pourras espérer avoir un cerveau tout neuf qui t’évitera de dire des bêtises.

Max : (à Félix) – Sérieusement... C’est vrai que vous voyez. ?
Félix : Bien sûr ! Vous, je vous reconnais. Vous êtes l’homme à la DS.
Max : C’est cela.
Félix : désignant Céline : Nous aussi, nous avons notre déesse. (Il lève le coude comme pour boire.) Elle consomme tout autant que la vôtre. Ah si ! Elle tête bien... Mais en ce qui concerne la carrosserie, il y aurait peut être quelques retouches à envisager.
Céline le gifle.
Félix : Aie !
Céline : Celle là, tu ne l’as pas volée. Tu n’es qu’un goujat !
Elle sort.
Félix : Céline ! Attends ! C’était pour rire.
Maryline : Ah bon ? C’était de l’humour ? On n’avait pas remarqué.
Félix : Aie ! Aie ! Pauvre de moi !
Max : Cessez donc de gémir sur votre sort. A présent, vous n’êtes plus aveugle, vous devriez être content, n’est :ce pas, Madame La Maire ?
La maire : Heu... Je... Je ne sais pas...
Max : Comment cela ? Vous ne savez pas ? Vous avez l’air encore plus surprise que moi par toutes ces sortes de miracles... Pourtant j’imagine que vous devez être habituée, ne me dites pas que c’est la première fois que vous observez un tel phénomène.
Maryline : Madame la Maire est troublée parce qu’elle même est une ancienne miraculée.
Max : Ah bon ? Comment cela ?
Maryline : Ca s’est passé il y a bien longtemps, il n’empêche, ici, tout le monde s’en souvient... C’était par une belle matinée de printemps, notre maire rendait visite à un de ses administrés qui habitait un petit hameau éloigné du village ; comme elle avait déjà beaucoup marché, elle a voulu raccourcir son trajet en coupant à travers champs mais hélas, elle est tombée sur Archibald.
Max : Archibald ?
Maryline : Oui Archibald, un taureau reproducteur, le plus beau de la région, trois fois médaillé au concours du comice agricole.
Félix : En voyant la maire dans le champ, Archibald a commencé à s’exciter.
Maryline : On ne sait pas exactement ce qui lui ait passé par la tête, toujours est il que Madame la Maire s’est fait encorner par Archibald.
Max : Non !
Maryline : C’est comme je vous le dis. La pauvre a eu les cornes dans le dos.
Félix : Je me demande ce qu’il vaut mieux, les avoir dans le dos ou sur la tête.
Max : Et alors ?
Félix : Et alors ?
Max et Félix : Et alors ? (Ils chantent.) Zorro est arrivé !
Maryline : Détrompez vous, personne est arrivé, ce n’est que vers midi qu’on l’a retrouvée à moitié agonisante.
Max : Et alors ?
Félix : Et alors ?
Max et Félix : Et alors ?
Maryline : C’est bon ! Vous n’allez pas me la refaire à chaque fois. Alors, on a emmené Madame La Maire jusqu’à la fontaine sans savoir si c’était un jour favorable, On l’a plongée sans se poser de questions et elle est ressortie aussi vaillante qu’avant sa promenade. Pas vrai, Madame la Maire ?
La maire : Heu... Oui... Peut être... Je ne sais pas.
Maryline : à Max : La pauvre ! Même vingt ans après, elle est encore sous le choc.

Arrivée de Félicie.
Félicie : Dites donc, vous autres ! Vous n’auriez pas vu Éric ? Sacré vaurien ! Ça fait une heure que je le cherche. Où peut il être ?
Maryline : Il y a deux minutes, il était encore avec nous. Tu ne l’as pas croisé ?
Félicie : Il y a dix kilos de pomme de terre à éplucher et monsieur se croit en vacances. Quelle « faignasse », ce gosse ! Et dire que c’est moi qui l’ai pondu. J’aurais mieux fait de me casser une patte, ce jour là.
Maryline : Voyons Félicie, Tu le sais comme moi qu’Éric est un brave garçon. A quoi bon l’accabler ? Même s’il est en retard, je suis sûre qu’il va venir t’aider... Pourquoi s’énerver pour si peu ? Tes pommes de terre ne vont pas s’envoler.
Félicie : C’est ça, continue à le défendre, ce gros paresseux. On verra si tu diras la même chose lorsque je te servirai des patates crues, tout à l’heure.
La maire : Justement, à propos Félicie, laisse moi te présenter Monsieur Max Fratelli qui est critique gastronomique à la télévision. Je lui disais que ce serait bien qu’il vienne dans ton restaurant.
Félicie : Pour quoi faire ?
La maire : Je viens de te le dire, Félicie, Monsieur est critique gastronomique.
Félicie : Et bien qu’il aille ailleurs. Chez moi, on ne critique pas, on mange.
Max : Ecoutez chère madame, si cela peut vous rassurer, je n’ai nullement l’intention de venir me restaurer chez vous donc vous n’avez aucune crainte à avoir.
Félicie : Pourquoi je devrais avoir peur ? Et de qui ? De vous ? Sachez mon petit monsieur que celui qui voudra me faire peur n’est pas encore né.
Félix : à Max : Remarquez, elle n’a pas tort... Parce qu’on la connait notre Félicie. Pour l’impressionner, Il faudrait se lever tôt, avoir de beaux biscoteaux mais... (Sur l’air de Félicie). Même si vous en aviez. Il faut que vous le sachiez...
Maryline, La maire et Félix : Félicie aussi !
Félix : Même si vous êtes à l’aise. Même si vous êtes balèze
Maryline, La maire et Félix : Félicie aussi !
Félix : Vous avez des arguments. Des réponses tout le temps
Maryline, La maire et Félix : Félicie aussi !
Félix : Et si vous pensez que vaincre. Est plus facile que convaincre
Maryline, La maire et Félix : Félicie aussi !
Max : D’accord, d’accord... Je ne voudrais surtout pas vous contrarier, maintenant il faut vraiment que je m’en aille. Des obligations m’attendent au Cheval blanc mais je serai ravi de pouvoir revenir vous voir dès demain.
La maire : Oui, je pourrai vous faire visiter la commune, comme je vous le disais, nous sommes ouverts à toute implantation commerciale et...
Max : Madame la maire, ce qui m’intéresse et intéressera nos téléspectateurs, c’est uniquement votre fontaine magique. Vous rendez vous seulement compte que votre village grâce à ses miracles peut devenir aussi célèbre que Lourdes ou Fatima ?
La maire : Vous vous méprenez, il n’y a jamais eu d’apparition divine ici. (Se tournant vers les autres.) Mes amis, assez plaisanté, dites lui qu’il n’y a jamais eu de miracle.
Maryline : Ben... C’est-à-dire... On pourrait peut être en reparler demain.
Félix : Oui, c’est cela. Nous en reparlerons demain.
Max : (à Félicie) Chère Madame. Je vous souhaite une bonne continuation et peut être à demain mais rassurez vous pas dans votre restaurant puisque j’ai cru comprendre que je n’y serais pas le bienvenu... Si je reviens, je demanderai aux cuisiniers du Cheval blanc de me préparer un panier pique nique. Dites... Éric, c’est bien votre garçon ?
Félicie : Oui, pourquoi ?
Max : J’ai eu le privilège d’assister à sa transformation. C’était absolument saisissant. Vous risquez d’être étonnée lorsque vous le reverrez.
Félicie : Qu’est ce que vous me racontez ? Je ne comprends pas. Expliquez vous.
Max : Vous verrez par vous même. Une surprise dévoilée n’est plus une surprise. Au revoir Madame.